PADS, Algérie, Parti Algérien pour la Démocratie et le Socialisme, Parti des communistes d’Algérie

 

 

L’élection présidentielle du 18 avril prochain suscite une grande effervescence politique.

L’annonce de la candidature du président Bouteflika, à la tête de l’Etat depuis 20 ans, à un nouveau mandat de cinq ans, a provoqué la colère légitime de larges secteurs de la population. Des manifestations populaires se déroulent presque quotidiennement en de nombreux points du pays contre ce qui est vécu comme une offense à la dignité nationale. Elles s’étendent chaque jour un peu plus. Depuis son AVC en 2013, Bouteflika est incapable de s’exprimer ou de se mouvoir. Il n’apparaît que rarement en public, poussé malgré lui sur une chaise roulante lors des cérémonies nationales auxquelles il ne peut être soustrait. Pour tous, à l’exception de ceux qui tiennent entre leurs mains les leviers de décision étatiques et le robinet des revenus pétroliers pour piller les richesses du pays, Bouteflika n’est plus qu’un mort-vivant.

 

Le pays est en fait dirigé depuis plus de cinq ans par un « cabinet noir » échappant à tout contrôle, si tant est qu’un contrôle soit possible sur les appareils exécutifs de l’Etat. Le parlement est formé de béni-oui-oui, « élus » grâce à la fraude dans un contexte de verrouillage politique sous une démocratie de façade à laquelle les citoyens répondent lors des élections par un fort taux d’abstention. Il n’a aucune capacité, ni volonté, ni légitimité pour demander des comptes au gouvernement. Il n’est qu’une machine à voter pour légaliser les décisions anti-démocratiques et anti-populaires au profit d’une bourgeoisie rapace, impatiente d’achever sa mainmise totale sur les richesses du pays et cherchant à pressurer à mort la classe ouvrière pour en tirer le maximum de profits.

 

 

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La décision du pouvoir de représenter au scrutin électoral un homme aussi diminué, au risque de ridiculiser le pays, est en réalité la résultante de luttes internes à couteaux tirés et de pressions extérieures engendrant le statu-quo institutionnel. Ce pouvoir est celui de dizaines de potentats et d’oligarques enrichis par la libéralisation en grand amorcée avant l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, et poursuivie par lui avec constance pour assouvir la course à la richesse de la bourgeoisie dans une situation qui avait vu l’explosion des recettes pétrolières au seul bénéfice des secteurs parasitaires, plongeant par là même la jeunesse dans le désespoir. Ces potentats étroitement liés aux appareils d’Etat devenus leur propriété privée n’ont pu s’entendre entre eux pour désigner un homme en pleine possession de ses capacités physiques et intellectuelles pour perpétuer leur règne. Ils refusent de se laisser déclasser en cédant la place à d’autres franges de la bourgeoisie et des classes privilégiées qui ont elles aussi prospéré ces 20 dernières années mais sont tenues à l’écart des centres secrets ou officiels de décision. Celui qui gravite autour de ces centres est assuré de s’enrichir rapidement grâce au pillage des ressources du pays, à la fraude et aux cadeaux fiscaux, aux trafics en tous genres. La chute des revenus pétroliers depuis 2015, la fonte des réserves de change tombées de plus de 200 à moins de 80 milliards de dollars fin 2018 a exacerbé la lutte de tous contre tous pour garder la part du lion. Ces frictions qui minent le pouvoir ne le mettent pas seulement en conflit avec les autres catégories de la bourgeoisie. Il subit  aussi les pressions du capital étranger mécontent, malgré les divers cadeaux reçus du pouvoir et les très bonnes affaires qu’il fait en Algérie, des lenteurs du régime à libéraliser encore plus l’économie pour satisfaire sa soif inextinguible de profits. Il est mécontent de la peur de ce régime à rayer toutes les lois sociales qui assurent encore un minimum de protection aux travailleurs.

Les parties en conflit, clans bourgeois au pouvoir, opposants bourgeois à ce pouvoir maintenus en dehors des sphères de décision, puissances impérialistes, France, USA et autres, ne remettent nullement en cause la nature capitaliste prédatrice et dépendante de leur régime économique et social envers l’impérialisme. En lutte les uns contre les autres, les clans du régime ainsi que leurs opposants bourgeois, sont tous d’accord pour ravaler la façade politique du système économique qui leur permet à tous de ramasser des montagnes d’argent. Leur angoisse commune est comment surveiller les masses populaires, les fourvoyer dans de fausses solutions, leur faire croire que d’avantage de libéralisme leur apportera la prospérité. Leur préoccupation est d’éviter un soulèvement populaire général qui leur ferait perdre à tous les fruits pourris de leurs rapines et de l’exploitation forcenée des travailleurs qui ont mené à la constitution d’une classe économiquement puissante. Cette classe d’exploiteurs et de parasites n’hésitera pas à se débarrasser de Bouteflika si son maintien à la tête de l’Etat devient, face à la colère populaire, un danger pour la préservation de ses intérêts collectifs de classe exploiteuse. Les partis d’opposition ou les personnalités politiques très médiatisées qui n’ont que le mot « réformes » à la bouche agissent dans ce but.

 

Le conflit fondamental, estompé par l’absurdité du 5 ème mandat de Bouteflika, est en réalité celui qui oppose les travailleurs et toutes les couches sociales populaires à la bourgeoisie dans son ensemble, ainsi qu’à l’impérialisme auquel elle est alliée.

Cette classe exploiteuse, anti-populaire, antinationale est déterminée à défendre ses « acquis » et à les agrandir en mettant la main par tous les moyens, y compris par les provocations, les manipulations et la violence la plus extrême, si les procédés basés sur la ruse et la tromperie s’avèrent insuffisants, sur toute source d’enrichissement échappant encore à sa soif d’accumulation d’argent et de domination. Les gisements de pétrole et de gaz, la Sonelgaz, l’eau, les télécommunications, le transport aérien, les banques, etc., sont la prochaine proie de ses manoeuvres.  Elle exige la suppression de tout contrôle sur les mouvements de l’argent vers l’extérieur qui gêne la mise à l’abri à l’étranger du produit de ses prédations. Tel est le contenu véritable et caché des « réformes » réclamées. Elle s’entend avec les Etats impérialistes sur cette question. Les querelles qui éclatent entre elle et ces Etats ne portent que sur la part du butin qui doit être empochée par l’un ou par l’autre. La réthorique pseudo patriotique sur la protection des intérêts de la nation n’est que phrases pour tromper les citoyens.

 

La chute des recettes pétrolières est utilisée à fond pour justifier l’offensive générale contre les conquêtes sociales des travailleurs. La diminution de la part des revenus pétroliers volés au peuple par ces classes les pousse à trouver le moyen de faire peser les effets de la crise financière sur les épaules des travailleurs.

 

Le plan est prêt. Non seulement toutes les lois anti-ouvrières telles que les lois anti-grève de 1990 seront maintenues, mais elles seront complétées par d’autres avec la révision du code du travail et de la loi sur les retraites. Des mesures aggravant la paupérisation et les inégalités sociales scandaleuses sont déjà arrêtées dans leur principe, avec une révision des tarifs de l’électricité et du gaz  – de façon à  préparer en même temps le terrain à une privatisation super rentable de Sonelgaz – la suppression de la subvention des produits de première nécessité. Le système fiscal actuel qui conduit au fait que les travailleurs payent plus d’impôts que les non-salariés, sera revu dans un sens encore plus avantageux à ces derniers même si les responsables prétendent le contraire. En vue de s’assurer le soutien des Etats impérialistes à la bourgeoisie interne contre son propre peuple, le gouvernement a confié à des bureaux d’études américains la révision de la loi sur les hydrocarbures. Il est officiellement question de réduire la fiscalité sur les profits des compagnies pétrolières. C’est une façon pour le gouvernement de signifier aux USA sa « volonté sincère et transparente» d’aller sous leur contrôle vers la promulgation de nouvelles lois qui satisferont leur soif de super profits.

 

Ces projets sont soutenus par tous les clans de la bourgeoisie y compris par ceux d’entre eux qui se prétendent opposés au régime de Bouteflika. Une horde de pseudo experts fanatiques du libéralisme écrit des montagnes d’articles dans les journaux et s’exprime dans les télés pour préparer le peuple et les travailleurs à se résigner. RCD, Mouwatana, Benbitour, Benflis, l’islamiste Makri, le général à la retraite Guediri, et la liste est longue, ne se distinguent du pouvoir que par la surenchère dans le rythme de la nouvelle offensive de libéralisation, surenchère accompagnée de précautions de langage. En vérité ils veulent aller vite pour pétrifier le puissant mouvement social en gestation dont l’explosion ne tardera pas avec l’épuisement des réserves de change. L’émergence inéluctable d’une classe ouvrière organisée et combative leur fait peur. Elle les empêche de dormir d’un sommeil tranquille.

 

Toutes ces classes sociales exploiteuses et les couches parasitaires s’efforcent de trouver une solution à la crise politique soit en renforçant les pouvoirs du « cabinet noir » derrière le portrait de Bouteflika, soit en lui cherchant un successeur plus crédible, politiquement « vierge ». Mais toutes se sont assuré le soutien des Etats impérialistes.

Le texte de la déclaration de candidature signée Bouteflika est clair. Après les élections le pouvoir convoquera une « conférence inclusive » dont le véritable objet est de conclure un consensus entre tous les clans de la bourgeoisie pour lancer dans une unité sans faille la guerre sociale contre les travailleurs dans le cadre d’un nouvel arrangement avec les multinationales et leurs Etats impérialistes interventionnistes.

Le gouvernement a multiplié les clins d’oeil vers ces Etats. L’armée algérienne vient d’être associée à des exercices militaires au Burkina Fasso et en Mauritanie sous le drapeau de l’Africom. Le gouvernement n’exprime aucune solidarité au Venezuela. Bouteflika vient de féliciter les bandes de fantoches qui dirigent la Libye à l’occasion de l’anniversaire du renversement de Keddafi. Les partis dits d’opposition de la bourgeoisie approuvent tacitement ou se gardent de dire ouvertement ce qu’ils en pensent pour éviter de heurter les sentiments des masses populaires et de révéler prématurément leur véritables intentions. Ni le pouvoir, ni ces partis, ni les candidats outrancièrement médiatisés à cette élection, ne protestent contre l’encerclement de l’Algérie par les bases militaires françaises et américaines.

 

Le verrouillage de la vie politique opéré depuis 30 ans et renforcé à l’extrême par Bouteflika sous prétexte de lutte contre le terrorisme obscurantiste ou de défense de la stabilité du pays a étouffé la voix des forces représentatives des aspirations de la classe ouvrière, de la paysannerie pauvre, des couches sociales qui vivent de leur travail manuel ou intellectuel. L’idéologie réactionnaire véhiculée par les TV et la presse est dominante.

 

Le problème n’est pas le 5ème mandat de Bouteflika ni le premier mandat de Benflis, du général à la retraite Guediri ou de « flen ou feltane ». Les problème est celui du contenu de classe des programmes et orientations des candidats médiatisés.

 

Les communistes ont dès 1999 averti les masses populaires qu’elles n’avaient rien à attendre de Bouteflika. A chaque élection, ils ont toujours appelé à ne donner leurs voix ni à celui que des généraux favorables au capitalisme ont tiré de l’exil ni à sa fausse opposition.

 

Tout naturellement ils ne sont en 2019 ni pour le 5ème mandat de Bouteflika, ni pour le premier mandat de l’un quelconque de ses opposants qui poursuivra la même politique au profit des classes possédantes et exploiteuses, tout en prenant soin de camoufler ses objectif réels de classe sous les tirs dirigés contre Bouteflika ou contre un homme aussi discrédité qu’Ouyahia .

 

Les communistes appellent les travailleurs, les fellah pauvres, la jeunesse populaire, les intellectuels proches des aspirations populaires, les couches sociales qui vivent de leur travail, à se battre, à s’unir, à s’organiser, à accumuler des forces pour mettre fin à un régime aussi honni, à ne pas se laisser berner par de nouveaux loups déguisés en amis du peuple. La solution ne viendra pas d’un sauveur providentiel mais de leur capacité à agir massivement de façon organisée, en participant à l’édification d’un parti révolutionnaire, avec des objectifs politiques, économiques et sociaux de classe clairs. Ils les appellent en  un mot à amplifier la lutte avec abnégation et continuité maintenant, avant et après le 18 avril pour un gouvernement révolutionnaire démocratique populaire émanant d’eux et exprimant leurs aspirations, un gouvernement pour sauver les masses populaires et le pays de la catastrophe économique imminente et des ingérences impérialistes. Tel doit être le mot d’ordre dans les réflexions et les débats à mener au sein des masses, dans le feu de l’action et les luttes démocratiques.

 

Ce gouvernement doit pour commencer prendre des mesures pour arrêter le gaspillage et l’hémorragie des réserves de change en contrôlant le commerce extérieur pour mettre fin à l’importation des biens superflus qui vident nos réserves de change, en mettant sur pieds des offices chargés de l’importation des produits de consommation de base et des biens stratégiques et en frappant les fraudeurs, en relançant le secteur public productif, en révisant la fiscalité de manière à faire payer les riches, en soutenant les travailleurs dans leurs luttes contre leurs exploiteurs, en appliquant les décisions de justice portant réintégration des travailleurs licenciés, en introduisant comme première mesure le contrôle par les travailleurs de la gestion des entreprises publiques et privées, en défendant leur pouvoir d’achat, leur droit à la santé, en arrêtant le bradage des fermes pilotes d’Etat, en récupérant toutes les terres cédées aux capitalistes pour les redistribuer en faveur des paysans sans terre, des travailleurs agricoles et des jeunes, en confisquant les biens volés, en renforçant les capacités militaires de défense du pays et en s’appuyant sur la mobilisation consciente de la jeunesse patriotique contre les préparatifs impérialistes, etc.

Ce gouvernement devra abroger toutes les lois qui empêchent les travailleurs de s’organiser pour défendre leurs intérêts et leurs aspirations politiques et sociales. Il aura pour fonction de défendre les intérêts des travailleurs et des masses populaires, de mettre en échec la résistance et les manœuvres des oligarques, de la bourgeoisie et de leurs soutiens impérialistes, d’appuyer la formation de nouvelles institutions surgies de l’intervention des masses populaires.

 

C’est autour et  partir de telles lignes de programme de luttes immédiates, dans une perspective socialiste, dans les luttes à la base avec les travailleurs, qu’il faut démasquer les protagonistes menteurs et démagogues de la campagne électorale en cours.

 

La décision de participer sous une forme ou sous une autre à cette lutte électorale, ou de la boycotter dépendra de l’évolution du rapport des forces découlant de la combativité des masses d’ici le 18 avril.

 

Les communistes soutiennent toutes les luttes contre l’étouffement de la liberté d’expression et de manifestation. Ils encouragent les protestations et les actions contre la fraude, tout en appelant les travailleurs et les jeunes à éviter les pièges de leurs ennemis, tout en oeuvrant à démasquer devant les masses les politiciens de la bourgeoisie anciens ou « neufs » mis en avant pour sauver le régime économique et social bourgeois existant.

 

En tant que communistes, imprégnés des enseignements de Lénine et de l’expérience des luttes animées par le parti bolchévique et couronnées par la Révolution d’Octobre 1917, il est clair pour nous que les luttes électorales ne sont qu’une forme de luttes à combiner avec toutes les autres. La prise du pouvoir par la classe ouvrière et ses alliés ne résultera pas des luttes électorales, mais ces luttes sont indispensables dans les phases pré-révolutionnaires ou les périodes de reflux, car elles contribuent à éduquer l’avant-grade prolétarienne dans le maniement de toutes les armes de la lutte de classe. C’est à travers toutes ses formes de lutte, dont principalement les grèves politiques générales que se forgera le parti révolutionnaire de masse apte à conduire les travailleurs à la victoire, à l’avènement d’un pouvoir de la classe ouvrière et de ses alliés pour la révolution socialiste.

 

Il ne s’agit pas simplement de changer d’hommes à la tête du pays, de remplacer Hadj Moussa par Moussa Hadj ou par Chab Moussa mais de renverser un ordre bourgeois qui a dilapidé les ressources du pays et le fruit du travail des producteurs, de le remplacer par un régime socialiste dirigé par la classe ouvrière et ses alliés, la paysannerie pauvre, les couches sociales populaires, un régime fondé sur la propriété sociale des moyens de production et la planification.

 

PARTI ALGÉRIEN POUR LA DÉMOCRATIE ET LE SOCIALISME

 

26 février 2019