EDT pour Vivelepcf, 24 mars 2015

Soutien aux communistes espagnols qui veulent libérer le PCE de la "Gauche unie"!

Le 22 mars 2015, les élections régionales en Andalousie, région la plus peuplée d’Espagne, ont largement déjoué les sondages et les pronostics. Le Parti socialiste (PSOE) reste en tête avec 36% des suffrages, 4% de moins qu’en 2012. Le Parti populaire (droite) subit un violent vote sanction perdant 13% mais reste à la deuxième place avec 27% des voix.

Le tout récent parti à la mode dont tout le monde parle en Europe, Podemos, s’il fait une percée avec 15%, n’est pas en état de renverser la vie politique régionale et ne sera peut-être pas en état de le faire, comme annoncé, aux élections nationales de la fin de l’année.

« Podemos » (« Nous pouvons » suivant le « Yes, we can » d’Obama) est un ovni politicien créé par des professeurs de science politique qui ont modélisé, optimisé suivant une « théorie des jeux », l’opportunisme et le populisme politiques (de « gauche »), surfant sur toutes les vagues et les lunes, notamment celle de « l’indignation », celle de l’écologie durable, celle de la démocratie participative, sur la dénonciation de la corruption, celle de l’austérité, sur toutes les questions de société possibles…

Les instigateurs de Podemos prônent une démocratie directe inédite. En fait, dans leur nouveau parti, celle-ci comporte trois échelons de représentation. Le premier, ce sont les braves gens qui sont tirés au sort par internet pour causer toujours et s’exprimer en votant par internet… C’est la terre. Le deuxième, ce sont ces nouveaux notables qui se cooptent en direction inamovible pour contrôler l’expression du mouvement pseudo-spontané. C’est le ciel. Le troisième, c’est le leader, l’icône médiatique, Pablo Iglesias. C’est Dieu.

Mais cette création politique, à mi-chemin entre le « Mouvement Cinq Etoiles » italien de Beppe Grillo (sans le côté xénophobe) et le parti Syriza grec d’Alexis Tsipras (sans l’origine politique traditionnelle), semble déjà avoir du plomb dans l’aile. Ce serait tant mieux. Les déboires prévisibles de Syriza en Grèce commencent à discréditer ses propositions affichées. D’ailleurs, Iglesias recentrent son discours. Les révélations sur les malversations fiscales du n°3 de Podemos ont aussi fait mauvais effet.

Podemos semble être mis en avant par l’idéologie dominante en Espagne pour être une force de diversion pour le mouvement populaire mais non pour devenir un parti de pouvoir comme Syriza.

Devant les difficultés de la droite au pouvoir et les scandales à répétition touchant le PP, le PSOE et la famille royale, un mouvement centriste est ressuscité, 40 ans après  Adolfo Suarez. Les Ciudadamos d’Albert Rivera font leur entrée au Parlement andalou avec 9% des voix : une sorte de Bayrou 2007, mis en avant par le système pour diversifier et contrôler l’offre politique, en complément de Podemos.

La défaite la plus cinglante est enregistrée par la coalition de la « Gauche unie » – Izquierda Unida, IU qui englobe le Parti communiste espagnol. L’Andalousie est la fédération la plus forte du PCE, représentant autour de la moitié de ses adhérents dans le pays et ses principales positions électives. IU perd 7 des 12 sièges qu’elle avait obtenus en 2012, reculant de 11,3% à 6,9% et passant de la 3ème à la 5ème et dernière place des partis représentés.

Cette chute s’explique aisément. Après 2012, IU, souvent allié local du PSOE dans les institutions, a fait le choix de servir de force d’appoint à la social-démocratie dans l’exécutif régional andalou, en contradiction pourtant avec l’orientation de sa campagne de 2012 qui mettait en cause la gestion du PSOE. Avec l’aggravation du discrédit national du PSOE, le rejet croissant des politiques européennes d’austérité relayées régionalement, devant la poussée médiatisée de Podemos, IU s’est retrouvée dans une situation de moins en moins tenable. Le PSOE décide de rompre l’alliance avec IU et de provoquer ces élections anticipées en Andalousie pour prévenir la poussée de Podemos et retrouver de la légitimité. IU, entre deux chaises, a logiquement payé le prix fort de la rupture de la coalition, plus cher que le PSOE, en récusant le bilan de la politique régionale dont elle était elle-même partie prenante.

IU et le PCE paient à nouveau également leur stratégie d’abandon de l’organisation communiste et des positions révolutionnaires engagée depuis plus de 20 ans. Podemos fait ses vaches grasses des reniements de la direction du PCE. Podemos ne porte pas le poids de ses compromissions électoralistes et institutionnelles. Aux feux de l’idéologie dominante, Podemos, dénué de toute notre tradition communiste, est bien plus apte à séduire sur des positions pro-européennes, des engagements limités aux questions de société sur fond de la dépolitisation générale de la classe ouvrière et de ses organisations syndicales à laquelle a participé gravement la direction du PCE. Stade suprême du masochisme d’IU : l’accueil bras ouvert par les dignitaires du Parti de la gauche européenne des députés européens de Podemos dans le même groupe « GUE-NGL » qu’eux au Parlement européen.

Nous ne pouvons qu’espérer que le choc des élections en Andalousie précipite la réaction et l’organisation des communistes, dans le PCE, pour un changement de cours. Des évolutions prometteuses nous sont relatées venant de plusieurs autres régions et des Jeunesses communistes, avec des militants qui prennent l’initiative dans les luttes, notamment avant la manifestation du 14 avril à Madrid.

Evidemment, l’expérience espagnole nous touche directement dans notre propre expérience française.