Ce congrès s’apprête à n’avoir d’extraordinaire que le nom ou plutôt la méthode pour le moins peu commune. Cette dernière permet aux dirigeants d’esquiver, une nouvelle fois, un bilan réel sur les causes, et sur leurs responsabilités, dans le processus de disparition du PCF, dont le nouveaux désastre électoral de juin permet de mesurer l’avancement.
Avancer le congrès de 6 ou 12 mois n’en fait pas un congrès « extraordinaire ». C’est la seule question que les adhérents sont invités à trancher dans ce questionnaire, pour sans doute leur donner l’illusion qu’ils décideront sur le reste. Dans tous les cas, avec un congrès prévu en 2018 ou 2019 on ne sera plus sur un congrès « à chaud ». La préparation envisagée par la direction laisse présager une phase de débat statutaire aussi précipitée et bâclée qu’aux congrès précédents, si les communistes obtiennent le respect des statuts. De plus, avancer le congrès permet d’éviter une coïncidence avec la préparation des élections européennes qui aurait eu l’intérêt de mettre sur la table des discussions la ligne politique d’intégration européenne de la direction, 25 ans après notre grande campagne contre Maastricht, dont l’anniversaire a été totalement occulté par l’Huma et la direction.
Le congrès ne peut pas être « extraordinaire » si tout est fait pour écarter ce qui le justifie : l’état d’échec et de désaveu inédit que le résultat électoral de juin a traduit. Le déni, l’absence d’autocritique, la volonté d’imposer la poursuite de la même stratégie, envers et contre tout, sont pourtant ce qui ressort de la volonté de la direction du Parti, depuis le CN de juin, dans la préparation du congrès, comme dans la vie politique sous Macron. Pour Pierre Laurent, on est toujours au milieu du gué, il faut continuer les « transformations » et la matrice « Parti communiste » est usagée comme nous l’indiquent les sondages. Toujours les sondages ! Elle est d’autant plus usagée qu’on ne s’en sert pas et qu’on lui tourne le dos !
C’est une bonne chose qu’il reste des groupes à l’Assemblée et au Sénat. Mais nous savons tous que cela tient à des situations et à des arrangements locaux, à géométrie variable. Quand la liste à Paris aux sénatoriales obtient 9% des « grands » électeurs inscrits mais qu’aux législatives, moins de 2% de la classe ouvrière vote pour nos candidats : c’est le monde à l’envers pour un Parti communiste.
L’introduction du questionnaire et toute sa conception traduisent cette volonté de se défausser du bilan et de diluer les critiques. Dans les sections la méthode suscite scepticisme, réticence. Ne nous racontons pas d’histoires : les directions les plus volontaristes ont du mal à faire remplir les formulaires. Je fais partie de camarades qui invitent à rejeter le questionnaire, à rejeter une méthode biaisée, correspondant à une volonté de contourner le débat et l’expression critique des communistes pour mieux poursuivre la stratégie qui remet en cause l’existence même du Parti.
Le marketing n’a rien à faire dans un parti communiste. Les sondages sont conçus, les réponses traitées et interprétées dans le sens voulu par leur commanditaire. Les questions « ouvertes » appellent des réponses « cause toujours ». Les camarades ne doivent pas se faire d’illusions.
Deux ou trois formules identitaires vont être mises en discussion, mais seulement pour, communistes, nous occuper et nous rassurer. Il est question, enfin, de classe mais sous la formule antimarxiste de « classe populaire ». Une fois de plus, nous allons sauver le nom du Parti, symboliquement, pour que la ligne et la stratégie de la direction continuent à le vider de son sens et à le diluer publiquement, dans des tentatives de recomposition à « gauche ». Après le « Front de gauche », les « Communs » et ensuite ?
Il y a 25 ans, Robert Hue commençait à faire appel aux instituts de sondage bourgeois pour valider la stratégie de « transformation ». Avec ce questionnaire, nous sommes passés à l’étape d’après, semble-t-il.
La direction du Parti recourt au logiciel de la multinationale américaine du marketing électoral Nationbuilder, dont Trump aux Etats-Unis, Juppé, Fillon ou Mélenchon sont des clients « addicts ».
La spécialité de Nationbuilder : le profilage, le fichage des électeurs, des adhérents pour mieux vendre des produits politiques. Nous apprenons, horrifiés, que la direction du Parti a acheté, en janvier, les services de Nationbuilder. En février, la CNIL interdisait heureusement le fichage, depuis les réseaux sociaux des clients électoraux potentiels (dont la direction aura peu profité malgré l’investissement !). Mais les services de Nationbuilder continuent d’être utilisés pour les élections (avec quelle efficacité pour un Parti communiste !!) et maintenant pour le fichage et l’orientation des adhérents. Dans la presse spécialisé, je lis : « le précieux fichier interne Cociel alimentera la plateforme NationBuilder. A terme, le PCF envisage de gérer l’ensemble de sa base militante et de son maillage territorial grâce au logiciel américain ».
Une nouvelle façon de faire de la politique, le marketing électoral 2.0 ? Le fichage des clients-électeurs. Je préfère la discussion militante avec les collègues et voisins ! L’Humain d’abord ? Non Orwell version 1984.
Je demande que l’utilisation de ce logiciel soit abandonnée. Je propose qu’une question soit posée aux communistes : souhaitez-vous être fichés par le logiciel NationBuilder.
Cette étape de la préparation du congrès ne peut être séparée de nos positions et de nos actions contre la politique de Macron. Là aussi, l’absence de remise en cause a de lourdes conséquences.
Dans le Parti, aux précédentes réunions du CN aussi, a été analysé comment l’opération politicienne de Mélenchon court-circuite dangereusement le mouvement et le rapport de force pour gagner le retrait des ordonnances Macron et commencer à mettre en échec sa politique. Mais pourquoi donc, Pierre Laurent est-il allé soutenir la grand’messe de Mélenchon le 23 septembre ? Mélenchon a clairement annoncé sa voie, son impasse, dans son discours à « ses gens »: « au bout de la rue, il y a les élections ». Pierre Laurent enfonçait le clou en annonçant à la presse le lendemain son espoir d’une alternative politique, électorale pour 2022, avec les Insoumis, EELV et Hamon. Un contre-sens total dans la période. Une majorité de travailleur existe contre les ordonnances tout de suite, certainement pas pour une nouvelle illusion en 2022 !
Sur le fond, c’est également mauvais et contre-productif. Nous sommes en complet désaccord avec les positions de Mélenchon, favorables à une fusion CSG/Impôt sur le revenu, et de Hamon, avec son revenu universel attaquant la Sécurité sociale. Loin de s’opposer, ces socio-démocrates accompagnent idéologiquement les contre-réformes du pouvoir.
Contre la suite du démantèlement d’Alstom, pourquoi, communistes, nous ne portons pas l’exigence de la nationalisation du ferroviaire comme de l’énergétique, livrés, à défaut de capitalistes français, à Siemens demain, à General Electric hier ? En système capitaliste, la nationalisation n’est pas notre réponse à tout : mais un rapport de force existe dans le pays, sur ces activités cruciales à la réponse aux besoins, pour gagner une nationalisation démocratique. Nous ne pouvons pas en rester à demander une commission d’enquête parlementaire et un rachat, au profit de Bouygues, comme le demande aussi le PS, des actions qu’il a prêtées à l’Etat.
Riposte sociale, industrie, Europe, organisation du Parti : les questions du congrès sont des questions présentes, urgentes. Il faut la rupture avec les positions d’abandon.
Je finis par une proposition, une demande, que je partage avec de nombreux camarades en vue de l’assemblée des animateurs de section le 18 novembre. Après le désastre électoral de juin, le Comité exécutif national a choisi – malgré certaines voix semble-t-il – de ne pas remettre sa démission aux communistes. Le CEN doit donc assumer ses choix clairement devant eux. Plutôt que le questionnaire de diversion, nous demandons – comme c’est logique dans toute association – que le CEN présente son bilan d’activité depuis le dernier congrès, soumette et assume son analyse, et l’orientation qu’il propose.
Les communistes ont besoin de discuter sur un texte commun, dès à présent. C’est la condition du débat démocratique mais aussi de la survie et de la renaissance du PCF.