Tsipras candidat supranational du PGE pour légitimer les institutions de l’UE du capital !

Alexis Tsipras (Syriza) tend à nouveau la main aux sociaux-démocrates à Vienne pour « sauver l’Europe d’elle-même »

Repris de AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/ – octobre 2013

Ces dernières semaines, Alexis Tsipras fait le tour de l’Europe. Sa dernière étape : Berlin puis Vienne. Non plus pour consulter ses partenaires du PGE, mais pour parler directement avec les leaders sociaux-démocrates et avec les représentants du pouvoir européen.

Il serait fastidieux d’énumérer l’intégralité du périple réalisé par Tsipras ces derniers mois pour faire preuve de ses velléités de collaboration avec l’agenda de la classe dominante européenne.

De la lettre adressée en mai 2012 aux dirigeants européens M.Draghi, Barroso et van Rompuy pour leur offrir ses services à la visite à Washington en mars 2013 pour rencontrer les dirigeants du FMI, en passant par la rencontre avec les cercles dirigeants du PSOE à Madrid, la liste est longue.

Ces jeudi 19 et 20 septembre, Alexis Tsipras était en tournée, à Berlin puis à Vienne. En Allemagne pour rencontrer les dirigeants de Die Linke et surtout pour un entretien avec M.Jorg Asmussen, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE).

A Vienne, Tsipras a rencontré toutes les couleurs de la gauche plurielle. Un entretien avec le secrétaire du Parti communiste, suivi d’un échange avec la maire adjointe de Vienne, la verte Maria Vassilakou, native d’Athènes.

Et puis surtout une conférence organisée par la fondation liée au Parti social-démocrate autrichien : la fondation Bruno Kreitsky, où Tsipras a eu tout loisir d’exposer son programme pour sauver l’Europe, avec une nouvelle main tendue envers les dirigeants sociaux-démocrates.

Ode à la social-démocratie historique: retrouver l’esprit de Bruno Kreisky

L’ensemble du discours de Tsipras à Vienne a été placé sous l’égide du dirigeant historique de la social-démocratie autrichienne : Bruno Kreisky. Tsipras a tenu d’entrée à spécifier qu’il n’était « pas un social-démocrate »mais qu’il « partageait beaucoup de valeurs »avec les socialistes.

Il a ensuite rendu hommage à « la grandeur de Bruno Kreisky »et à « l’importance de la social-démocratie en laquelle lui croyait », rappelant « le respect qu’il éprouve pour leurs grandes réalisations ».

Dans la suite de son discours, Tsipras oppose d’un côté les sociaux-démocrates « qui ont abandonné à partir des années 1990 les politiques visant à réguler le capitalisme », citant le tournant de la SPD allemande ou du PASOK grec.

Mais de l’autre, il se place dans l’héritage des « étatistes Bruno Kreisky, Willy Brandt, Olaf Palme », des hommes « courageux et inspirés », ayant choisi « la voie des valeurs, des principes et des politiques social-démocrates ».

Selon Tsipras, si on avait suivi cette tradition, « nous ne serions pas aujourd’hui en Europe dans le désert néo-libéral qui est le nôtre ».

Retrouver l’esprit de la social-démocratie historique, c’est-à-dire l’idéal d’une régulation et d’une humanisation du capialisme : voilà le programme de Tsipras.

La monnaie unique, un problème … mais aussi la solution !

Tsipras continue les références historiques sur son analyse actuelle de la crise de la « zone euro », cette fois avec la crise de 1929 et l’effondrement du système de l’étalon-or. Nouveauté, Tsipras reconnaît désormais les faiblesses structurelles de la conception de l’Euro.

Il analyse une union bancale entre « des pays industriels du Nord », aux excédents commerciaux et financiers, et des « pays de la Périphérie » moins avancés et capitalistiques. Une union monétaire qui renforce les déséquilibres structurels, donc une dette s’accumulant dans les pays du Sud.

Si la critique de l’Union monétaire est plutôt récente, ce que Tsipras dénonce, c’est le fait qu’elle a été « mal conçue ». Jamais il ne remet en cause l’existence de l’Euro, posée comme une fatalité (« on ne peut pas en sortir »).

Ce qu’il dénonce réellement, à travers son analogie avec 1929, c’est l’absence de politique économique cohérente à l’échelle européenne et le choix unilatéral des politiques d’austérité (même si Tsipras insiste sur les « réformes nécessaires »), non la monnaie unique en elle-même.

Comme le souligne Tsipras :« même si nous pensons qu’il s’agit d’une union monétaire terrible, d’une union qui divise nos peuples par une seule monnaie, nous sommes contraints de la redessiner ».

« Un plan Marshall pour l’Europe » : toujours plus d’intégration européenne !

Ceci explique cela. Les propositions de Tsipras pour sortir de la crise supposent toutes le renforcement de l’intégration européenne, économiquement et politiquement.

Première proposition : un « Plan Marshall pour l’Europe ».

L’analogie avec le plan américain de 1947 est stupéfiante. Tsipras propose une réédition d’un projet lié aux intérêts du capital américain, en pleine guerre froide, une relance par l’exportation de biens et de capitaux, par l’ouverture de l’Europe à une nouvelle phase de la mondialisation capitaliste !

Concrètement, Tsipras propose à travers ce « plan Marshall II » : « une union bancaire proprement dite, une dette gérée centralement par la BCE et un programme d’investissements publics ».

Autrement dit : plus d’intégration européenne, et plus d’argent public pour les profits privés !

Deuxième proposition : « une Conférence spéciale sur la dette ».

Tsipras rappelle à dessein la Conférence de Londres de 1953 qui a annulé une grande partie de la dette de la RFA. Encore une fois, naïveté ou malhonnêteté, Tsipras omet le contexte historique et les intérêts de classe derrière cette décision du capital américain et européen en 1953.

Tentés par le pillage de l’Allemagne de l’Ouest après-guerre, le capital atlantique avait finalement opté pour le redressement économique contre le bloc communiste à l’Est, pour en faire le tête de pont d’une Europe de l’Ouest capitaliste, libérale et anti-communiste.

Que propose Tsipras soixante ans après ? Une négociation avec les dirigeants européens pour leur faire comprendre leur intérêt, celui d’épargner à la Grèce une politique d’austérité trop lourde, pour qu’elle puisse se relever et contribuer au sauvetage de l’Europe.

Et l’exploit pour Tsipras, c’est naturellement que cette politique est possible « sans rompre avec aucun des Traités actuellement en vigueur ». Vive Maastricht et vive Lisbonne !

« Il faut sauver l’Europe d’elle-même », avec les sociaux-démocrates et les vrais libéraux

Le mot d’ordre de Tsipras n’a pas changé : il faut sauver la Grèce … pour sauver l’Euro et l’Union européenne elle-même ! C’est ce qui légitime pour Tsipras non pas la lutte contre l’austérité et la répudiation de la dette, mais bien la négociation de son niveau.

Ainsi conclut-il son intervention : « Mon parti SYRIZA est diposé à défenre un programme européen pour sauver la zone Euro, en donnant à la Grèce un moment de répit ».

Le but n’est pas « seulement d’améliorer la situation en Grèce mais de construire une Europe meilleure, une Europe humaine ». L’Europe humaine d’abord !

Tsipras aime la formule qu’il répète, il s’agit de « sauver l’Europe d’elle-même ». Face à la faillite de l’Union européenne, il s’agit de reprendre le drapeau de l’idée européenne.

Main tendue aux sociaux-démocrates .. et aux dirigeants européens : « Il ne sera pas facile de convaincre Merkel et Draghi! »

Sur qui Tsipras peut compter pour réaliser son programme? Le peuple grec, les peuples européens? Très peu, si ce n’est comme simples électeurs car « SYRIZA gagnera les prochaines élections ».

Mais ce n’est pas vers la piétaille que Tsipras tourne ses yeux. Il fait les yeux doux aux seigneurs de l’Europe.

Objectif numéro un : une grande alliance avec tous les sociaux-démocrates de bonne volonté.

« Un gouvernement de gauche en Grèce tendra la main aux sociaux-démocrates européens, aux libéraux vraiment libre-penseurs européens, à tous les européens qui ne veulent pas voir l’Europe sombrer dans une situation cauchemardesque.

A tous ceux-ci, nous leur demanderons de rejoindre un projet commun : celui de stabiliser l’Europe, premier pas vers une Europe ouverte, démocratique et unie. »

Objectif numéro deux : négocier l’Europe de demain avec les dirigeants européens actuels.

Car si les dirigeants européens, les banquiers et les politiques au pouvoir ne veulent pas du changement, d’une Europe redessinée, d’après Tsipras :

« Nous allons devoir négocier âprement avec les grands lieux du néo-libéralisme institutionnel, à Francfort, à Berlin, Bruxelles et Paris. Pour cela, nous aurons besoin de votre soutien », dit-il en s’adressant à son auditoire social-démocrate.

A la fin de son discours, il ne nie pas qu’il « ne sera pas facile de convaincre Mme Merkel, M.Asmussen, M.Draghi »et qu’il faudra peut-être devoir faire face à leur résistance (sic).

Quand Tsipras en vient à sa conclusion, rappelant les dangers de l’agonie en Grèce pour l’avenir de l’Union européenne, il réitère sa main tendue :

« Je ne sais pas si le parti social-démocrate autrichien me soutiendra dans son combat pour sauver l’Europe d’elle-même. Je suis convaincu en revanche que Bruno Kreisky serait de mon côté. Rassemblons nos forces pour le meilleur, dans toute l’Europe ! »

Union de la gauche avec la social-démocratie, défense de l’Euro et de l’Union européenne, gestion humaine du système capitaliste : les propositions de Tsipras, celles de SYRIZA sont loin de l’attente de la période historique, celle d’un parti révolutionnaire et de lutte de classe.

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