Vivelepcf, 28 février 2013
L’ancien diplomate et essayiste Stéphane Hessel est mort le 27 février 2013. Les hommages politiques à l’auteur du best-seller « Indignez-vous » sont unanimes, allant de Jean-François Copé à Harlem Désir en passant par Jean-Luc Mélenchon.
Rarement la bien-pensance et la bonne conscience auront eu un sens aussi peu péjoratif que s’appliquant à Stéphane Hessel. Sa personnalité jubilatoire, sa constance et sa ténacité dans ses positions, son passé d’ancien déporté-résistant l’auront atténué comme son impertinence et son humour – du moins dans son grand âge.
Cependant, communistes, il nous est difficile de partager la communion politique autour du défunt, tout respect pour la personne mis à part. Son engagement s’est trouvé bien plus souvent opposé au nôtre qu’il ne l’a rejoint.
L’idéalisme de la bourgeoisie libérale et cosmopolite qui l’animait l’a dressé contre le fascisme et le racisme. Il ne l’a pas conduit à s’indigner devant le colonialisme de l’Etat qu’il servait en diplomate des années 40 aux années 60. Il n’a cessé de se féliciter de la politique occidentale, après la Libération, favorisant la renaissance de l’Allemagne impérialiste et revancharde, la RFA. Par idéalisme plus que par naïveté, voudrions-nous croire.
Une constante, soixante ans durant, dans l’engagement de Stéphane Hessel aura été jusqu’aux derniers mois son soutien inconditionnel à l’Union européenne, à l’institution supranationale du capital dont les impérialismes européens se sont dotés pour écraser les peuples. Idéalisme mal placé ? Sans doute ! Naïveté de caution morale: nous ne ferons pas injure au défunt.
« L’indignation » du vieillard, conforme à aux partis-pris du haut-fonctionnaire, a rencontré, dans la dernière période de crise du capitalisme, un accueil favorable et a priori insolite de toute part. Dans sa révolte sociétale, dans ses scrupules moraux, brillamment valorisés par le grand âge et la diction pédagogique, se sont retrouvés aussi bien la colère des milieux sociaux nouvellement fragilisés que le discours de l’idéologie dominante contre les « excès » du capitalisme. Son adhésion à l’UE du capital, à la démocratie bourgeoise, ont constitué une garantie de conformité au conformisme pour les éditeurs et les médias. Dans ces conditions, les quelques pages bien inoffensives « d’Indignez-vous » sont devenues un produit de grande distribution, même exportable en placebo à la détresse espagnole ou grecque.
De gauche ou de droite, Stéphane Hessel ? On mesure avec lui la perte de sens de cette unité de mesure. On l’aurait longtemps classé au centre-droit, par exemple quand il suivait le démocrate-chrétien Pierre Abelin, ou au centre avec le « radical » anti-communiste Mendès-France. Ces dernières années, il a soutenu des leaders de parti de gauche, auxquels il a voulu identifier ses prescriptions.
Les noms de ceux-ci parleront plus concrètement à la jeunesse, à celle dont on voudrait détourner la révolte et l’aspiration à s’organiser dans le mouvement révolutionnaire.
Stéphane Hessel n’a pas cherché à feinter dans le temps de vie court qu’il lui savait rester. Il a appuyé successivement Michel Rocard, Lionel Jospin, Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn, François Hollande ou encore, avec enthousiasme, Daniel Cohn-Bendit, notamment aux élections européennes de 2009. Il a accepté de servir de figurant sur la liste EELV aux régionales en Ile-de-France de 2008 et d’appui sur une motion au congrès du PS en 2012, l’organisation la plus « à gauche » qu’il ait jamais soutenue.
L’affront suprême à Stéphane Hessel serait de le représenter comme un militant révolutionnaire. Par respect pour sa mémoire, qui rejoindra, à sa bonne place, celles de tant et tant d’anciens résistants, nous ne le ferons pas.