Réforme Chatel des lycées : gérer la pénurie pour développer une logique concurrentielle, inégalitaire et marchande

La réforme du lycée, avec les décrets Chatel, reprend le projet de l’ancien ministre Darcos. En décembre 2008, alors que les enseignants et les lycéens commençaient à se mobiliser, le gouvernement décidait de le suspendre de peur que les lycéens ne rejoignent en nombre les étudiants qui combattaient la loi LRU, les agents hospitaliers qui combattaient la loi Bachelot et des centaines de milliers de salariés.

En 2010, il tente de passer en force, sans concertation. La réforme serait applicable dès 2010 pour les classes de secondes.

Enseignants, lycéens, étudiants, salariés, citoyens, nous avons toutes les raisons d’exiger le retrait de cette réforme en même temps que l’annulation des 16.300 suppressions de poste prévues pour 2010.

La réforme Chatel a premièrement pour véritable objectif de gérer la pénurie fabriquée de moyens financiers et humains.

D’abord aux dépens de l’offre d’enseignement. Globalement elle diminue les horaires. En seconde, 30 minutes de moins par semaine de français, de maths, de SVT (sciences de la vie et de la terre), de histoire-géo, 1 heure de moins de SES (sciences économiques et sociales). En 1ère et en terminale, en L, moins de français, de langues, suppression des maths (facultatives) ; en ES, moins de SES, suppression des sciences politiques ; en S, moins de maths et de sciences, plus du tout d’histoire-géo en terminale.

Ensuite aux dépens des enseignants et de leurs conditions de travail. Il n’est pas inutile de rappeler que le ministère a dû admettre lui-même que leur semaine de travail est déjà en moyenne de 40 heures. Ils vont être pressés encore davantage de faire des heures supplémentaires, quand ce sera encore possible. On leur assignerait en plus des missions des conseillers d’orientation et des conseillers psychologiques métiers dont la réforme acte le non-renouvellement et l’extinction inadmissble.

Moins d’enseignement, c’est moins d’accès à la connaissance et aux compétences, c’est aussi plus d’inégalités, selon l’origine sociale, devant les savoirs.

L’habillage du projet ne doit pas tromper.

« Amélioration de l’orientation pour la rendre réversible » ? Mon œil !

L’institution de « stages passerelles », quelques jours pendant les vacances, ne permettront jamais de compenser les lacunes dans telle et telle matière fondamentale. D’autant plus par exemple que l’on supprime les maths. Les « passerelles » serviront surtout à évacuer des élèves de la filière privilégiée de S vers une filière ES dévalorisée par la remise en cause des enseignements des SES.

Les « enseignements d’exploration » doivent prétendument donner, comme dans un menu dégustation, le goût de diverses disciplines et de futur métiers. Au contraire, à raison de seulement 1h30 par semaine, dans un cadre plus informel, ils représentent un appauvrissement de l’enseignement des disciplines. Exemple encore : les SES.

Comment parler d’un essor de l’accompagnement personnalisé quand les effectifs des cours augmentent encore, que les heures dédoublées disparaissent, que l’aide individualisée en seconde est supprimée ?

La remise en cause du droit au redoublement au nom de la réorientation des élèves vise à faire des économies et à les diriger vers des voies de garages.

Le deuxième objectif de la réforme Chatel est structurel et s’inscrit dans un projet d’éclatement de l’Education nationale.

Les décrets « autonomisent » jusqu’à un tiers des cours, notamment les heures dédoublées, de l’accompagnement personnalisé. Les établissements en deviendraient responsables. L’autorité des chefs d’établissement, y compris pédagogique, serait renforcée. C’est tenter d’aller vers le lycée-entreprise, de mettre au pas les professeurs.

Le développement de l’autonomie est facteur de développement des disparités et des inégalités selon, par exemple les options dispensées, les heures de soutien… dans un contexte général de pénurie de moyens, aussi de pénurie de personnels recrutés sur concours.

A moyen terme, ces dispositions préparent d’autres contre-réformes à venir. On va par exemple vers la généralisation de recrutements locaux, souvent hors statut, correspondant à la remise en cause des concours nationaux.

Demain, comme pour les universités, l’autonomie pourra être étendue jusqu’à intégrer des financements privés signifiant la mainmise du patronat sur le lycée. Ces évolutions pourront aller de pair avec une régionalisation des financements et des personnels enseignants.

Avec « l’autonomisation », on met le pied dans l’engrenage concurrentiel, dans le lycée à différentes vitesses, dans la logique ségrégative en même temps que la carte scolaire est quasiment supprimée.

Le troisième objectif de la réforme Chatel, c’est d’attaquer l’esprit de service public, les conditions de l’acquisition de la culture générale, du développement de l’esprit critique.

C’est comme cela qu’il faut comprendre la suppression de l’histoire-géo en terminale S ou la refonte des SES. Dans la même logique rentre la remise en cause de l’indépendance pédagogique des enseignants par la création des conseils pédagogiques sous le contrôle des chefs d’établissement.

L’attaque contre le lycée général suit celle contre le lycée professionnel (bacs pro en 3 ans), dans la même philosophie. A l’objectif de la réussite pour tous, de l’investissement dans le développement polyvalent des jeunes, à ce choix de société laïque démocratique et républicain, on substitue le choix de la pénurie, de la concurrence et de la marchandisation.

Ensemble, nous avons la force de mettre en échec ce projet néfaste qui cache sa finalité. Par la lutte et sans attendre un hypothétique changement de gouvernement en 2012, parce que c’est maintenant que ça se joue !

Pour la défense de l’ensemble de l’éducation nationale, il faut gagner le retrait de la « réforme » du lycée et des décrets Chatel.

NON aux suppressions d’emploi à l’éducation nationale !

Comme à l’hôpital, à l’université, refusons l’autonomie et la régionalisation des établissements!

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