Si le Gouvernement des États-Unis souhaite vraiment aider le peuple cubain, le blocus doit être levé

La visite et l’accueil du président des Etats-Unis, Barack Obama, à Cuba du 20 au 23 mars 2016, marquent une nouvelle étape dans le processus de détente entre les deux pays, après le rétablissement des relations diplomatiques l’été dernier. L’affrontement politique et économique, depuis toujours inégal mais marqué par la formidable capacité de résistance du peuple cubain, persiste. Mais il prend une nouvelle forme, moins agressive, dans des conditions internationales, continentales et nationales qui ont changé. Derrières les sourires présidentielles cependant, de nombreuses questions restent en suspens. L’impérialisme US se garde toujours de restituer, par exemple, à Cuba la base militaire de Guantanamo. Il dose savamment le relâchement du blocus économique sans le lever. Sur ce sujet, nous reprenons ci-dessous une déclaration du ministre cubain des relations extérieures. Le gouvernement français suit l’impérialisme américain dans sa nouvelle stratégie, comme en a témoigné récemment la visite du président Raul Castro à Paris et le dîner donné en son honneur. On notera que les autorités françaises s’abstiennent, malgré le changement de cours, de demander aux Etats-Unis le remboursement, du moins pour du préjudice subi par le fisc français, des amendes indignes et scandaleuses qu’ils ont infligées au Crédit Agricole et à la BNP-Paribas pour leurs échanges avec Cuba…   (Solidarité internationale PCF – vivelepcf)

Si le Gouvernement des États-Unis souhaite vraiment aider le peuple cubain, le blocus doit être levé

Déclaration du 17 mars 2016, de Bruno Rodriguez Parrilla, ministre cubain des relations extérieures, à propos de la visite à La Havane du président des Etats-Unis, Barack Obama, traduction reprise de l’édition en français du journal Granma, organe officiel du Comité central du Parti communiste cubain.  

Le 15 mars, les Départements du Trésor et du Commerce ont émis de nouvelles dispositions qui modifient l’application de certains aspects du blocus exercé par les États-Unis contre Cuba.

Il s’agit de la quatrième annonce de ce genre de la part du gouvernement des USA après le 17 décembre 2014, date à laquelle les présidents des deux pays ont annoncé leur décision de rétablir les relations diplomatiques.

À l’heure actuelle, nous étudions leur portée afin de confirmer leur viabilité.

Toutefois, à titre préliminaire, on peut affirmer que ces mesures sont positives.

Certaines d’entre elles élargissent la portée de celles qui avaient adoptées auparavant, comme c’est le cas de la disposition autorisant les voyages individuels pour les échanges éducatifs « de peuple à peuple ». Cependant, il faut rappeler que l’interdiction aux citoyens des États-Unis de voyager librement à Cuba est toujours en vigueur, cette compétence relevant du Congrès.

L’autorisation d’utiliser le dollar dans les transactions internationales de Cuba, qui a été ajoutée à ce nouveau paquet de mesures, concerne un aspect important du blocus. Pour que cette mesure soit viable, il faudrait une déclaration politique et des instructions claires et précises de la part du Gouvernement des États-Unis offrant une sécurité juridique et politique aux banques, pour qu’une fin soit mise à la traque financière et inverser les effets intimidants des sanctions imposées au fil des ans aux institutions financières nord-américaines et de pays tiers pour avoir entretenu des rapports légitimes avec Cuba.

Dans les prochains jours, nous allons tenter d’effectuer des transferts en dollars pour vérifier s’ils peuvent vraiment être réalisés, et si les banques ont reçu les instructions leur permettant de faire des opérations avec Cuba sans crainte d’être pénalisées.

Par ailleurs, nous espérons que, dorénavant, des sanctions comme celles infligées à d’importantes banques comme la Commerzbank et le Crédit Agricole, pour ne mentionner que les cas les plus récents, ne se répéteront plus, et que des institutions financières étrangères ne refuseront plus d’entretenir des rapports avec notre pays.

La mesure concernant l’utilisation du dollar ne signifie pas une normalisation des relations bancaires entre Cuba et les États-Unis. Les banques cubaines ne peuvent pas ouvrir de comptes dans les banques nord-américaines. En conséquence, il nous faudra continuer de réaliser nos transactions à travers des pays tiers, ce qui renchérit le coût des opérations et complexifie les démarches.

Le reste des mesures mises en vigueur ne modifient pas l’application des éléments médullaires du blocus. Par exemple :

•    On ne permet pas d’investissements dans notre pays au-delà de ceux déjà approuvés dans le secteur des télécommunications.

•    L’interdiction frappant les importations de produits cubains aux États-Unis, y compris de médicaments et de produits biotechnologiques, est toujours en vigueur, si bien que le commerce bilatéral restreint autorisé demeure essentiellement unidirectionnel. Seule la prohibition absurde aux citoyens étasuniens de consommer des produits et recevoir des services cubains dans des pays tiers a été modifiée.

•    Les restrictions en vigueur concernant les exportations des USA vers Cuba ne changent pas. Elles sont limitées et excluent des secteurs clés de l’économie cubaine.

•   La disposition qui interdit l’accès aux ports nord-américains, pour une période de 180 jours, aux navires de tiers pays ayant qui mouillent dans des ports cubains –ce qui occasionne des pertes au titre des frets –, est toujours en vigueur. La seule disposition adoptée à ce sujet n’avait pas pour but de favoriser Cuba, mais de rendre plus rentables les opérations des compagnies de navigation étasuniennes.

•   Des citoyens et des entreprises cubaines et d’autres pays figurent toujours sur une liste arbitraire connue comme « nationaux spécialement désignés », qui les empêche de réaliser des transactions avec des entités des États-Unis et leurs filiales.

Toutes ces restrictions peuvent être éliminées à travers des décisions exécutives.

La réalité, c’est que le blocus est toujours en vigueur. Le Secrétaire du Trésor Jack Lew a lui-même reconnu, il y a deux jours, que le blocus limite encore « très, très significativement» le volume des transactions entre Cuba et les États-Unis.

Le blocus a aussi des composantes dissuasives et punitives. Voici quelques exemples :

•   Des entreprises étasuniennes et étrangères ont encore récemment été condamnées à verser des amendes pour avoir offert des services et du matériel d’origine étasunien à Cuba.

•    Des entreprises étrangères qui commercialisent du nickel et du rhum cubain ont été privées de leurs lignes de crédits, et leurs transferts ont été refusés, même dans des monnaies autres que le dollar US.

•   Des banques étrangères ont fermé les comptes bancaires dans d’autres monnaies à du personnel de la santé cubain qui apporte sa coopération dans des pays d’Afrique.

•   Des filiales d’entreprises étasuniennes dans des pays tiers refusent leurs services aux missions diplomatiques et aux entités cubaines à l’étranger.

Le blocus constitue le principal obstacle au développement économique de Cuba et impose des privations au peuple cubain.

C’est pourquoi son élimination sera essentielle pour normaliser les relations entre nos deux pays.

De hauts fonctionnaires étasuniens ont affirmé que l’objectif des mesures approuvées était d’ « autonomiser » le peuple cubain. Si le Gouvernement des États-Unis souhaite vraiment aider le peuple cubain, le blocus doit être levé.

Nous reconnaissons la position du président Obama contre le blocus, ainsi que les nombreux appels qu’il a lancés au Congrès en faveur de sa levée.

Nous espérons que le Congrès des États-Unis agira en conséquence face à une revendication quasi-unanime de la communauté internationale et de secteurs de plus en plus vastes de la société et de l’opinion publique des États-Unis.

Cuba est engagée dans la construction d’une nouvelle relation avec les États-Unis, dans le plein respect de sa souveraineté et fidèlement attachée à ses principes de justice sociale et de solidarité.

Cependant, personne ne peut prétendre que Cuba doive renoncer à un seul de ses principes, ni à sa politique extérieure engagée envers les causes justes du monde et la défense de l’autodétermination des peuples.

Dans les prochains jours, nous accueillerons le Président des États-Unis avec l’hospitalité qui nous distingue, et avec le respect et la considération qui lui sont dues en sa qualité de chef d’État.

Ce sera pour lui l’occasion de connaître notre réalité et un peuple noble, digne et doté d’un sens élevé du patriotisme, un peuple qui lutte pour un avenir meilleur malgré toutes les adversités qu’il a dû affronter.

Le président des États-Unis pourra apprécier directement une nation absorbée dans son développement économique et social, dans son travail pour améliorer le bien-être de ses citoyens. Un peuple qui jouit de droits et peut afficher des acquis qui constituent une chimère pour beaucoup de pays du monde, en dépit des limitations découlant de son double statut de pays soumis à un blocus et de pays sous-développé.

Ce sera aussi une occasion importante pour identifier les nouveaux pas qui pourraient être franchis dans les prochains mois, comme une contribution au processus d’amélioration des relations, sur des bases de respect et d’égalité, au profit de nos deux pays et de nos deux peuples.

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