1914-2014. Cent ans après, Hollande, nouveau sergent recruteur de l’ « Union sacrée » derrière les intérêts du capitalisme.

EDT pour Vivelepcf, 11 novembre 2013

Qu’est-ce qu’il y a de plus atroce et révoltant dans le discours de François Hollande ouvrant le 7 novembre un an de commémoration du centenaire du début de la Grande guerre ?

Peut-être ce passage où Hollande salue « l’engagement » des 430.000 soldats coloniaux et estime leur rendre la pareille, « honorer une dette d’honneur », « en ce moment même au Mali ». La continuité fait froid dans le dos. En 1914, l’impérialisme français était allé chercher de la chair à canon dans les pays qu’il avait envahis et qu’il exploitait. En 2013, il envoie ses troupes chez eux garantir la poursuite du pillage de leurs ressources énergétiques (un moment menacé par les conséquences de sa propre guerre en Libye).

Dans sa conception de « l’Union sacrée » – même s’il prend garde à ne pas utiliser l’expression – Hollande trouve une place pour tout le monde. On ne s’étonne pas que Jean-François Copé se soit enthousiasmé pour son discours.

Dans son amalgame – utilisons ce mot -, Hollande recrute rétrospectivement et très large.

Rassembleur sans limite, il embrigade même Jaurès, affirmant : « En juillet 1914, il y avait ceux « qui, comme Jaurès, dénonçaient la funeste mécanique des alliances et les méfaits de l’impérialisme. « Mais, reconnaissons-le comme un fait, lorsque la mobilisation générale fut proclamée, il n’y plus qu’un seul pays, une seule nation, une seule armée ». Qu’aurait fait Jaurès ? Aurait-il suivi l’immense majorité des dirigeants socio-démocrates comme Guesde ou Blum dans la machine de guerre « républicaine », dans la trahison de la résolution de la conférence de la 2ème Internationale de Bâle en 1912 ? Peut-être, de par le caractère idéaliste de son pacifisme. Mais ceux qui ont commandité son assassinat le 31 juillet 1914, puis qui acquittèrent son assassin, ne le pensaient pas ainsi !

Hollande admire cette 3ème République qui « se révéla plus forte que les Empires centraux » … dans la défense de son impérialisme. Il célèbre Clémenceau qui a continué à faire fonctionner le Parlement. Cet éloge de la démocratie bourgeoise plaira sans aucun doute à Jean-Luc Mélenchon qui fait de Clémenceau pendant l’Union sacrée un modèle de sa conception parlementariste de la 6ème république (en lien: Le modèle de 6ème république? L’Union sacrée de 14-18!).

Hollande réincorpore également les Fusillés pour l’exemple : « Vaincus par l’angoisse, l’épuisement … , certains furent condamnés de façon arbitraire et passés par les armes ». Il ordonne qu’un panneau leur soit consacré au musée des Invalides… Après Jospin et Sarkozy, il veut les fusiller une deuxième fois !

Ils n’ont pas été exécutés parce qu’il combattait la mal-bouffe dans les tranchées ! Ils ont été tués, oui « pour l’exemple », oui souvent au hasard, parce qu’ils exprimaient le rejet massif des atrocités d’une guerre par les soldats qui en avaient assez de subir pour des intérêts qui ne les concernaient pas, qui allaient peut-être s’organiser pour le dire, qui étaient peut-être prêts à fraterniser avec les poilus de la tranchée adverse. Ils les ont été fusillés parce qu’en Russie notamment, une autre perspective de fin de guerre, naissait des révolutions de 1917 et que la République française redoutait la contagion.

Plutôt aucune reconnaissance « républicaine » que cette récupération historique !

Hollande, dans la suite de tous ses prédécesseurs depuis les années 20, flatte la mémoire des Poilus pour mieux la trahir.

Non, ils ne se sont pas engagés pour l’immense majorité, ils ont été appelés, encadrés, conduits au casse-pipe par un appareil d’Etat au service d’un système économique, soûlés à la gnôle pour aller à la mort. C’est insulter les uns et les autres que de mettre sur le même plan les conscrits de la 1ère guerre mondiale et les résistants de la 2ème comme le fait Hollande. Il faut se souvenir des souffrances, honorer le martyre, le courage des combattants de la 1ère guerre mondiale mais ne jamais oublier qu’ils sont morts pour des objectifs de guerre qui n’avaient rien à voir avec l’intérêt des peuples.

Passons sur les phrases de Hollande qui semblent obligées maintenant dans chaque discours mémoriel pour mentionner De Gaulle ou pour rappeler la « Shoah » et les « Justes » tels que l’Etat d’Israël les reconnaît. Sans commentaires ici, hors sujet !

Hollande recrute rétrospectivement pour mieux recruter aujourd’hui ! Là encore, il n’oublie personne. Dire que nous en avons pour plus d’un an de cette propagande !

L’éducation nationale et l’Université vont être mobilisées. Gageons que les professeurs sauront manifester une certaine indépendance à l’égard de l’idéologie dominante ! Hollande assure des moyens directs à cette dernière, de façon très inquiétante. « Les partenaires publics, mais aussi privés, les grandes entreprises ont également choisi de soutenir les initiatives etc. ». Les marchands de canons d’aujourd’hui vont défendre la mémoire des marchands de canons d’hier ! Toujours avec la bénédiction de la République !

Hollande annonce un effort particulier pour intégrer chaque famille à sa propagande mémorielle. Presque tous les Français ont au moins un père, un grand-père, un arrière-grand-père qui a participé à la grande boucherie. « Les registres matriculaires des 8 millions de soldats français seront mis en ligne » pour « construire un pont entre ces histoires personnelles et l’histoire nationale ». Après celle de leurs aïeux, la mobilisation générale des descendants pour mieux les intégrer dans la version officielle de l’histoire !

Hollande voit aussi au-delà des frontières. Il promet le défilé sous l’Arc de triomphe de militaires de 72 pays ayant participé à la première guerre mondiale avec une place d’honneur à l’Allemagne… Commémorer la guerre par les armes ! La venue du très controversé président de la République fédérale allemande, Joachim Gauck, défenseur de la mémoire de ses parents nazis et de celle de son père criminel de guerre, nostalgique de la grande Allemagne est annoncée à nouveau.

Pour rester les mêmes sur le fond, les buts de guerre de l’impérialisme français et de son porte-parole du moment ont changé dans la forme. La mobilisation générale à laquelle appelle François Hollande en 2013 vise d’abord et avant tout à renforcer l’Union européenne du capital.

En 2013, les impérialismes européens, affaiblis relativement depuis 1914 – se complètent plus qu’ils ne se combattent – même s’ils se combattent encore, parfois férocement. L’Union européenne est leur instrument collectif pour écraser les acquis sociaux et démocratiques de leur propre peuple comme pour prétendre à des parts de marchés dans la domination du monde.

Tout le souvenir de 14/18 doit aller légitimer cette Europe récriée de plus en plus fortement par les peuples. L’UE, ce serait la paix, l’union des peuples. Les peuples de l’ex-Yougoslavie, unifiée dans la douleur après la 1ère guerre mondiale, en ont fait à nouveau la triste expérience avec l’UE, deuxième bras armé de l’OTAN. Mettre en concurrence les travailleurs de chaque pays, avec l’euro, attiser la xénophobie : oui l’UE de 2013 est bien la fidèle héritière des puissances de 1914 !

Hollande a précisé sa pensée. La mobilisation générale à laquelle il appelle pour l’UE, en mémoire de 1914, a un sens pour la France : « Réformer, réunir, réussir », la politique de casse sociale et économique qu’il poursuit dans l’intérêt des puissances d’argent.

En appeler aux mânes des morts de 14/18 pour justifier sa politique d’austérité, celle de Sarkozy, il fallait le faire. Ce discours lamentable et effrayant l’ose.

Son état d’esprit, celui de Hollande, mais surtout celui de ceux qui l’ont commandité, fait peur. La continuité est effrayante dans le capitalisme de 1914 et de 2013. La hiérarchie des puissances a changé mais le péril demeure, celui de la guerre localisée ou globale, celui que le capitalisme porte comme « la nuée porte l’orage ».

Aussi de 14/18, nous devons inviter à se souvenir des souffrances et de la cruauté inouïes endurées par les combattants et les populations.

Nous devons inviter à réfléchir, encore et toujours, à pourquoi cette guerre ne fut pas « la der des ders », à identifier ses causes.

Le constat et l’analyse de nature inter-impérialiste de cette guerre, de la faillite de la social-démocratie et de ses responsabilités ont été établis.

Du rejet de la guerre impérialiste, du rejet de la trahison social-démocrate sont nés les partis communistes dont le Parti communiste français, se détachant de la collaboration avec le système des socio-démocrates.

Communistes d’aujourd’hui, cet aspect reste fondamental dans notre engagement, pour la justice sociale, pour la paix, pour le socialisme.

A contre-courant de l’idéologie déployée par M. Hollande, nous ne cesserons dans l’année qui vient de rappeler tout cela.

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