Le débat sur la nécessité de lancer une campagne communiste pour l’abandon de l’euro et la rupture avec l’UE est devenu incontournable

En 2011, responsables d’organisations du PCF, nous avons lancé un appel rendu public, intitulé : « Le PCF doit lancer une campagne pour la sortie de l’euro et la rupture avec l’Union européenne ».

Malgré les milliers de signatures, dont celle de notre regretté Henri Alleg, malgré l’acuité de la question, la direction du PCF a pris soin d’éviter toute discussion sur le sujet. Nous avons obtenu trois petites lignes dans l’Huma et quelques soupirs au Conseil national. Seuls des nationalistes ont vu leur tribune contestant l’euro publiée dans le journal.

Cette réaction de la direction du PCF reflète une gêne profonde, devant l’actualité de plus en plus criante des analyses dénonçant la nature capitaliste et impérialiste de l’Union européenne, que l’ensemble du Parti a continué à porter jusqu’aux années 90 contre Maastricht et la monnaie unique. Elles continuent à imprégner le pays, à nourrir une opposition anticapitaliste à l’UE, bien loin des « souverainistes », bien loin aussi de la conversion réformiste à l’intégration européenne conduite sous l’égide du Parti de la gauche européenne. Au 36ème congrès, bâclé, la direction a esquivé cette question de fond comme les autres.

Ce n’est plus possible aujourd’hui. L’absence de la position et de l’action communistes n’est plus tenable.

La « crise de la zone euro », la « sauvegarde de l’euro » servent de prétextes et d’instruments aux plus importants reculs sociaux et démocratiques de l’après-guerre. Frappés les uns après les autres, les peuples combattent la politique guidée par l’UE et l’euro. En France, le rejet de l’UE est de plus en plus massif et c’est plus que jamais un rejet de classe, émanant des ouvriers, des travailleurs, des couches les plus pauvres de notre société. Tout cela est indéniable.

La crise a accéléré le rôle et les conséquences de l’euro que le PCF avait justement dénoncés : la casse des acquis sociaux et démocratiques, la concurrence de tous contre tous, l’accroissement de la domination des trusts dominants, aussi les vagues xénophobes traversant le continent.

La contestation de l’euro – cette contradiction pourrait être utile pour nous – gagne certains milieux capitalistes dominés, ou craignant l’essor des luttes sociales dans leur pays. Il n’est pas dit qu’en Grèce la nouvelle social-démocratie, repeinte aux couleurs de Syriza (voir page 19), parvienne à contenir les progrès des organisations prolétariennes.

Le dirigeant du parti allemand Linke, Oskar Lafontaine, pourtant l’un des pères fondateurs de l’euro en tant qu’ancien ministre de l’économie se prononce maintenant pour son abandon (sur les bases économistes fumeuses). Celui qui se veut son alter ego en France, Mélenchon, se fait ambigu. Le Maastrichien d’hier n’est ni pour, ni contre l’euro. Il attend de voir s’il peut subsister (émission TV « Arrêts sur image » de juillet). Ceci dit, cela ne l’empêche pas de promouvoir une « révolution citoyenne » avec une « 6ème République » sans jamais contester l’irruption des contraintes européennes dans la Constitution française. Mélenchon sait trop bien qu’il ne doit pas raviver l’opposition communiste, la seule conséquente, à l’UE.

Toujours est-il que la direction du PCF ne peut plus tenir dans son autisme. La question de l’abandon de l’euro s’impose comme jamais.

Un temps, les seules réponses que nous obtenions au Conseil national étaient d’insultantes assimilations de nos positions à celles des nationalistes. Cela même renforce l’actualité de la question. Le FN sert de repoussoir pour légitimer la poursuite des choix européens, comme Hollande l’a montré le 14 juillet dernier. Mais, communistes, nous ne pouvons pas laisser dévoyer le refus de classe de l’UE par le nationalisme et le racisme. Nous ne pouvons pas non plus le laisser être déconnecté, par le FN et d’autres, comme une fatalité extérieure, des luttes immédiates contre les politiques nationales inspirées des traités, directives et règlements européens.

Nous remercions les dirigeants du secteur « économie » de la direction du PCF d’enfin rentrer dans le débat sur la sortie de l’euro dans une tribune parue dans l’Huma du 13 juin 2013, intitulée : « Contre l’austérité, luttons pour un autre euro ».

Nous notons leur fidélité dans le temps aux mêmes analyses, malgré les évolutions historiques. En avril 1992, quand l’immense majorité des communistes se préparaient à s’opposer à Maastricht, ils signaient un appel intitulé : « Renégocions Maastricht, pour construire une Europe ouverte, démocratique et sociale ». Refusant « d’être amalgamés, dans la confusion, à un cartel des non », ils estimaient que « renégociation » était « le seul mot d’ordre » qui « pouvait préserver l’avenir ». Avec Paul Boccara, Yves Dimicoli se retrouvaient parmi les signataires Charles Fiterman, passé au PS, Jean-Pierre Brard ou Philippe Herzog passés dans le cercle patronal européen « Confrontations ».

Les arguments de ces économistes sont aussi peu convaincants qu’hier, encore moins au vu de l’expérience. Ils sont trop économistes et pas assez politiques. Sur l’avenir de la dette publique en cas de retour au franc, il y a erreur manifeste puisque 85% de cette dette, libellée en monnaie du pays emprunteur, passerait au franc et pourrait être ainsi minorée. Rien de sérieux ne permet d’estimer, comme le fait la presse bourgeoise dans ses annonces alarmistes, le niveau d’une dévaluation et ses conséquences commerciales. Une dévaluation par rapport à quoi ?

Voyons les moyens mis en œuvre par l’UE et le FMI pour empêcher la Grèce et même Chypre de quitter la zone euro ! La défection d’un seul pays, si petit soit-il, serait un séisme politique fécondant les luttes des autres pays. Si le rapport de forces permet de gagner en France, il n’y aura plus d’euro et ce sera une défaite politique majeure du capitalisme français et européen.

Il n’est pas question pour nous d’alimenter l’illusion d’une souveraineté monétaire populaire, sans révolution. La Banque de France reste dans les mains des possédants. Mais, c’est bien dans le cadre national, dont l’euro a dépossédé un élément principal de la politique économique, que s’exprime d’abord la lutte des classes. Tous les plans sur la comète au sujet d’une « réorientation des statuts et missions de la Banque centrale européenne », la naïveté, plutôt la démagogie d’appareils bureaucratiques réformistes européens comme le PGE et la CES au sujet d’une prétendue « Europe sociale » n’aboutissent qu’à légitimer l’instrument de l’ordre capitaliste européen.

Nous entendons approfondir le débat. Dans la suite des positions historiques de notre parti, nous associons à la condamnation de la monnaie unique la nécessité d’une nationalisation démocratique du secteur financier, d’un rejet de l’application des règlements, directives et traités européens refusés à 55% en 2005 par notre peuple.

Pour que ce débat s’élargisse dans la classe ouvrière, dans le pays, nous serons de ceux qui lanceront un appel communiste pour l’abandon de l’euro et la rupture avec l’Union européenne. Parallèle aux actions d’autres partis communistes européens, cette initiative sera au cœur de notre engagement internationaliste.

Emmanuel Dang Tran, Dominique Negri

 

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