La réconciliation franco-allemande, mythe fondateur de l’UE

Le projet européen, c’est-à-dire l’Europe supranationale du capital est tellement discrédité aux yeux des peuples que les gouvernements, notamment le gouvernement français, sont tentés d’en raviver un mythe fondateur : la réconciliation franco-allemande.

 

par Emile Torner, ancien déporté résistant, Buchenwald-Cologne-Langenstein, Mle 80655

 

Ainsi coup sur coup ont été célébré en grande pompe le 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée et commémoré le 69ème anniversaire du massacre d’Oradour en la présence inédite du Président de l’Allemagne. L’écho populaire en a été bien plus faible qu’escompté. Mais l’absence d’expression des positions toujours défendues par mon parti depuis la Libération me trouble.

Ancien déporté-résistant, je n’ai jamais admis cette idée de réconciliation franco-allemande.

Pour le peuple allemand, a fortiori pour la jeunesse allemande, je n’ai jamais eu de haine. Les antifascistes allemands sont mes amis. Pour une part, je leur dois ma survie. Pourquoi aurais-je eu à me réconcilier avec eux ? En revanche, avec les nazis, les criminels de guerre, les capitalistes et les opportunistes qui ont été leurs complices et les profiteurs de leurs crimes, je ne souhaiterai jamais me réconcilier.

Quant aux capitalistes français et allemands, du moins considérés en tant que classe, ils ont suffisamment continué à s’entendre pendant les heures noires pour ne pas avoir besoin non plus de se réconcilier !

A Oradour, ce n’est pas tant la présence d’un président allemand qui me dérange (même de celui d’une république fédérale qui s’est évertuée à réhabiliter et réintégrer les nazis) que la présence de l’actuel, M. Joachim Gauck.

On n’est pas responsable de ses parents. Les siens furent tous les deux nazis de la première heure. Son père, officier criminel, a été livré par les Britanniques pour être jugé et condamné par les Soviétiques, avant d’être libéré sur intercession de Konrad Adenauer. Mais au nom de ce passé familial, M. Gauck n’a cessé de combattre, en anticommuniste fanatique, le seul Etat allemand antifasciste, la RDA. Aujourd’hui, il fait la promotion des interventions militaires allemandes à l’étranger, que cette histoire avait pourtant rendu taboues. Il accuse publiquement la RDA d’avoir reconnu les nouvelles frontières orientales de l’Allemagne issues de la Libération, la ligne Oder-Neisse : Un revanchard de cette espèce est bien malvenu à Oradour!

Concernant le Traité de l’Elysée de 1963, fondateur de l’axe Bonn-Paris, il est bien à l’origine de l’Union européenne que subissent les peuples aujourd’hui. Il a scellé une alliance déséquilibrée entre, d’un côté, un capitalisme allemand renaissant et revanchard, encore limité dans ses prétentions impérialistes par son passé récent et, de l’autre, un capitalisme français obligé de se tourner davantage vers l’Europe après ses défaites coloniales.

Alliée naturelle de l’impérialisme anglo-saxon, n’en déplaise à De Gaulle, cette alliance a été tournée politiquement et militairement contre le camp socialiste. Avant la signature du Traité, en geste de bonne volonté envers Adenauer, De Gaulle libère quelques criminels nazis dont le sinistre Karl Oberg, chef supérieur de la SS en France.

La vérité des origines de l’Union européenne n’est vraiment pas belle comme n’est pas belle sa réalité d’aujourd’hui, étendue à tout le continent. Il ne faut surtout pas la cacher !

Le PCF a toujours combattu l’Europe des monopoles, des dominations, dont la « collaboration inconditionnelle  de De Gaulle avec les militaristes allemands » (déclaration du Bureau politique du 25 janvier 1963) a constitué un fondement.

Aujourd’hui, je tombe des nues quand j’entends, à la tribune du Bundestag (!), André Chassaigne, parlant en tant que président du groupe parlementaire de la gauche démocrate et républicaine, appeler à ce que « le courage, le souffle et la force qui avaient accompagné la signature du Traité de l’Elysée nous inspirent pour réorienter la construction européenne et bâtir un nouvel avenir ».

Le monde de coopération, de paix et d’amitié entre les peuples, notamment français et allemand, pour lesquels nous avons toujours lutté se fera contre toute cette «construction» européenne ! Ce constat ne peut pas avoir changé pour les communistes.

Emile Torner

 

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