Pétition ADP : pourquoi cela exige une réflexion politique globale, d’abord des communistes.

Rédaction « Cahiers communistes – vivelepcf », septembre 2019

Présentation à l’assemblée de la proposition de loi ADP par les parlementaires Vallaud (PS), Carrez (LR), Larive (FI), Kanner (PS), Aubert (LR), Faucillon (GDR)…

 

Communistes, nous ne pensons pas que nous devions nous engouffrer dans la pétition nationale institutionnelle ADP sans avoir poussé le débat sur ses objectifs politiciens, peu dissimulés, des différents acteurs politiques. Une fois de plus, ce débat a été, jusqu’à présent, expédié dans le Parti.

Le fait que l’initiative provienne notamment de parlementaires de droite, du PS et d’EELV pose un problème. Ce n’est une question de principe, ni un point absolument rédhibitoire. Mais il n’y a pas lieu d’invoquer le programme du CNR sans rapport de force ouvrier sur une question très partielle, sauf à dévaloriser notre histoire. Nous n’assistons qu’à une coïncidence de calculs politiciens, avec des élus qui se retrouvent pleinement dans l’UE de la concurrence, de la casse des services publics et des privatisations.

Il nous est, de même, impossible de ne pas relever que la pétition référendaire est octroyée par le Conseil constitutionnel. La connivence entre Fabius, Giscard, Juppé et Macron est certaine, dans un contexte de surenchère politique sur les référendums d’initiative « populaire » avec les Gilets jaunes.

L’opération politique dépasse très largement l’évolution d’ADP, si, même, elle aura une influence directe sur elle.

Communistes, nous ne pouvons nous poser la question de notre implication, de son niveau qu’à partir de nos propres objectifs politiques prioritaires, dans la situation actuelle de la lutte des classes pour mettre en échec la politique poursuivie par Macron.

Ces objectifs ne sauraient être – et j’espère ne pas tout résumer dans ces phrases – de se saisir « d’un marqueur de gauche » pour occuper un espace politique d’ici les élections municipales (les dates de collecte des signatures, fixées par le Conseil constitutionnel, coïncident avec le 1er tour…). Ils ne sauraient être de trouver un prétexte économique pour cimenter un projet de recomposition de la « gauche » réformiste avec le PS et EELV. Souvenons-nous, sur un service public plus général, La Poste, de la « votation » de 2009. Pour aller avec les réformistes pro-UE, on avait exclu la remise en cause de l’application des directives de mise en concurrence. L’illusion électoraliste a sapé la lutte. Hollande n’a rien remis en cause. Cet été 2019, l’opération capitalistique de fusion avec la Caisse nationale de prévoyance (CNP) fait passer la part de l’Etat dans le capital de La Poste en dessous des 50% tandis que le démantèlement du service public s’accélère encore. Dans la quasi-indifférence.

Rappelons-nous cette analyse de base : en système capitaliste, la nationalisation par l’Etat capitaliste n’est pas un embryon de socialisme. Elle sert les intérêts du capital, SAUF lorsque un rapport de force, ancré dans le pays, comme en 1936 ou en 1945, permet de faire valoir l’intérêt des travailleurs et du peuple.

ADP (ex « Aéroports de Paris ») est une société anonyme depuis 2005, dont le capital est ouvert au privé à 49,7%. Ses services sont très largement filialisés et externalisés. Le statut public des personnels est en extinction. Notre position de fond pour ADP ne peut être que la renationalisation/socialisation intégrale, la réinternalisation des activités, le rétablissement du statut des personnels, la retransformation en établissement public, voire en service de l’Aviation civile. Et logiquement, comment ne pas associer les autres aéroports de France, à partir d’un certain trafic, à l’exigence de nationalisation ? Empêcher la poursuite de la privatisation du capital d’ADP va dans le sens de ces objectifs mais ne suffit pas. Et est-ce même réellement l’objectif de la pétition institutionnelle ADP et de la plupart de ses instigateurs?

La proposition de loi qui serait, au bout, éventuellement, soumise à référendum n’est étonnamment pas un acte législatif (celui-ci aurait été au minimum du type « Le capital d’ADP est détenu, au minimum, à 51% directement par l’Etat » (à défaut de 100%)). Le texte des parlementaires de droite et de gauche n’émet qu’une appréciation d’ordre constitutionnelle dans l’article unique de la proposition de loi: « L’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et de Paris-Le Bourget revêtent les caractères d’un service public national au sens du neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. » Nous savons que le Conseil constitutionnel a dénié systématiquement, ces dernières décennies, la qualité de « service public national » et de « monopole public de fait », aux plus importants services publics, victimes des directives européennes de mise en concurrence et de privatisation (Poste, EDF, GDF, SNCF etc.). Alors pour 3 aéroports, dans une partie d’une région, dans le marché entièrement libéralisé de la navigation aérienne ?

Le pouvoir s’est ménagé toutes les précautions pour que le référendum n’aboutisse pas, si cela devait déranger sa politique. Outre l’embrouillage des procédures de signature, l’ambiguïté institutionnelle de la question, Macron peut couper court à tout moment à l’affaire en retirant son projet de passage de la part de l’Etat dans le capital en dessous de 50%. Dans les divergences à droite, sont notamment apparues des connivences différentes avec le groupe Vinci, prétendant à la prise de contrôle direct d’ADP : une partie de la droite pour, une autre contre. Ces différences d’intérêts ne sont pas les nôtres. Macron s’arrangera toujours avec Vinci.

A droite aussi (LR/LREM), les calculs politiciens font florès. Certains sont tentés de miser sur l’image d’un capitalisme plus national, façon Trump. Le revirement des députés des « Républicains » sur le CETA (traité de libre-échange avec le Canada) en est un signal. La question ADP, sur un service public réduit au « régalien », en particulier la police des frontières, convient à certains. Les députés du FN-RN ont été (heureusement) exclus de la signature de la proposition de loi. Mais du coup, leur démagogie ne subit pas le poids de l’alliance avec les partis pro-UE et pro-concurrence. Le FN-RN s’est lancé aussitôt dans la pétition ADP en mettant au centre la police de l’immigration. Alors que le statut d’ADP n’a rien à voir avec l’exercice des missions de police de l’Etat et qu’il y a d’autres aéroports internationaux en France qu’en région parisienne.

Défenseurs résolus des intérêts des travailleurs et du service public ADP, nous devons cependant peser, objectivement, ce que représente ADP dans l’opinion publique, dans la conscience du service public, dans les préoccupations prioritaires des usagers et du peuple. ADP n’est ni EDF, ni la SNCF. Les transports aériens ont été totalement dérégulés, Air France privatisé à 80% (par la « gauche plurielle »). ADP est encore moins connue des provinciaux. ADP ne dépend pas de l’Aviation Civile, également menacée, mais pas de la même façon. ADP n’est pas un service public vécu comme essentiel tous les jours. C’est un constat et une réalité.

Une campagne nationale, invoquant les origines historiques glorieuses de la nationalisation notamment d’EDF et GDF, menée, dans les conditions d’ADP, avec des politiciens privatiseurs et pro-UE… Aussi, nous considérons qu’il est impensable de se positionner dans cette campagne politique sur ADP sans la relier, la coordonner, la subordonner, à une campagne sur les plus grands services publics avec une actualité brûlante : SNCF, EDF, RATP, Poste …

Enfin, nous ne pouvons pas sous-estimer la question, également au cœur de l’opération ADP, sur les référendums, RIP ou RIC, « d’initiative partagée », ou « d’initiative citoyenne ».

Là encore, le débat nécessaire dans le parti a été évacué. RIP et RIC sont loin d’être synonymes d’avancée démocratique en toutes circonstances. Ils peuvent aussi être un terrain très favorable à la démagogie populiste, à l’expression de l’idéologie dominante pour le compte du système lui-même. Souvenons-nous, lorsque cela n’a pas été le cas, comment le pouvoir s’est moqué des référendums sur la « constitution » européenne, des votes NON en Haute-Corse, Corse-du-Sud, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Martinique et Guadeloupe contre la disparition des départements etc. Et même sur les aéroports sur le vote OUI des habitants de Loire-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes (quelle qu’ait été notre position sur le sujet)…

Après son « grand débat national », Macron a annoncé une facilitation des conditions de mise en place des RIP, en s’appuyant sur le mouvement des Gilets Jaunes. Un premier projet précis a été évoqué par Macron lui-même et de Rugy: un plébiscite pour valider sa politique de ponctions antisociales au nom du réchauffement climatique. Un autre, plus sinistre, se profile, à la faveur des réformes constitutionnelles prévues par Macron : 100 parlementaires et un million de signatures ne seront pas difficiles à trouver pour déclencher un référendum sur l’immigration, peut-être sur l’établissement de quotas, quand le capital aura jugé opportune cette diversion malsaine du débat politique. L’opération pétition-ADP prépare objectivement ces projets. Elle est largement sous-traitée à la gauche et aux syndicats qui popularisent et légitiment le principe et les procédures.

Cela, aussi, communistes, doit nous amener à affiner notre expression et notre action.  En conclusion, nous considérons que nous devons aborder, dès la fête de l’Huma 2019 et la rentrée des luttes, la campagne ADP, au regard de cette confusion et de tous les calculs politiciens identifiables :

-          Le PCF ne peut avoir qu’une campagne, totalement indépendante, et préciser ses revendications de fond pour ADP. Les connivences avec les parlementaires de droite, du PS ou d’EELV sont impossibles et doivent cesser.

-          Le PCF doit coordonner sa campagne ADP avec le lancement de campagnes pour les services publics d’entreprises nationalisées, pour la reprise de la lutte contre les directives de mise en concurrence et pour l’abrogation de la « réforme ferroviaire », contre les augmentations des tarifs de l’électricité et le retour au monopols EDF sur le transport et la distribution.

Pas d’opportunisme ! Rassemblement sur la base du rapport de force et de nos objectifs politiques communistes ! Soyons ainsi fidèles en esprit et en actes à l’héritage de nos camarades de la Résistance et de la Libération !