37e Congrès – Texte Alternatif – V : Evaluer la crise de la démocratie bourgeoise. (Dont: utter contre le FN, démasquer les illusions « réformistes radicales »)

37ème congrès du PCF – Texte alternatif  » PCF: Reconstruisons le parti de classe! Priorité au rassemblement dans les luttes ».

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V –Évaluer la crise de la démocratie bourgeoise en France etdans le monde (dont: Lutter contre le FN, démasquer les illusions « réformistes radicales »)


Dans tous les pays, la démocratie bourgeoise « à l’occidentale » est en crise grave. Des États comme l’Espagne ou la Belgique restent des mois sans gouvernement issu des élections. L’adhésion au système s’effondre avec une augmentation générale de l’abstention. Des formations politiques nationalistes, même ouvertement d’extrême-droite, progressent. En Europe de l’Est, où la démocratie bourgeoise ne s’est jamais vraiment imposée, l’abstention est régulièrement majoritaire et des gouvernements ultraréactionnaires sont aux commandes dans plusieurs pays. Dans le même temps, les libertés démocratiques fondamentales sont dangereusement remises en cause.

En France notamment, le système politique de l’alternance arrive à bout avec ses deux équipes qui se succèdent pour appliquer la même politique au service du patronat et du capital. La différence entre la droite et la « gauche », par rapport à ce que continuent de représenter ces notions dans le pays, tient désormais dans la répartition des rôles dans la même pièce qui se joue. Par exemple contre la Sécurité sociale, la droite attaque davantage les prestations, dont la plus symbolique, la retraite à 60 ans. La gauche en sape le financement. On a presque atteint le modèle américain avec quasiment aucune différenciation entre démocrates et républicains. Mais même ce modèle est en crise aux États-Unis comme on le voit dans la préparation de la présidentielle de fin 2016.

Une théorie est développée par des intellectuels de gauche et reprise par la direction du PCF selon laquelle cette crise serait issue d’un double échec, celui du socialisme « réel » et du mouvement communiste d’un côté, celui de la social-démocratie réformiste de l’autre. Il faudrait maintenant reconstruire la gauche. Nous réfutons entièrement ce raisonnement et sa conclusion. Pour nous, c’est le parti révolutionnaire marxiste et léniniste, le parti communiste qu’il faut reconstruire.

Avec la victoire de la contre-révolution à l’Est (y compris pour des raisons internes) et l’affaiblissement du mouvement politique révolutionnaire, la social-démocratie, le PS en France, a perdu la raison d’être qui était devenue la sienne depuis 1917 et 1920 : contenir le mouvement populaire, la lutte des classes, dans la loyauté au capital. Le PS était là pour incarner et limiter les conquêtes sociales, les réformes réelles qu’en réalité la lutte des classes conduites par les organisations révolutionnaires avait permis de gagner. Mais voilà, maintenant, il n’y a plus de « grain à moudre ». Au contraire même, le PS et la « gauche » sont mieux placés que la droite, de par cette histoire, pour détruire les acquis sociaux. Alors, sauver la « gauche », tirer le PS à « gauche », sauver le PS ? Non, merci !

Dire cela ne signifie absolument pas que nous ne fassions pas toujours une différence, notamment en ce qui concerne la défense des libertés, entre ce que représente la gauche et ce que représente la droite, également entre ce que représentent la gauche et la droite d’un côté et le danger que représente l’extrême-droite de l’autre (même si ce sont les politiciens de droite et de gauche qui font le lit de cette dernière).

Le capitalisme n’a plus besoin de la démocratie

Le capital se trouve devant une contradiction. Les formes de la démocratie bourgeoise qu’il a dû concéder dans un rapport de forces données, notamment en Europe occidentale, pour garantir sa domination constituent aujourd’hui, dans un rapport de forces bien plus défavorable pour le monde du travail, une entrave politique, un ralentisseur, à son besoin intrinsèque de maximisation des profits. Le capitalisme français en particulier est handicapé, face à la concurrence mondialisée, malgré l’aide de l’UE, par ses difficultés politiques nationales à liquider les acquis sociaux et démocratiques de notre peuple.

Communistes, nous ne sommes pas du tout des partisans de la démocratie bourgeoise dont nous avons analysé théoriquement la rasions d’être. Aujourd’hui, sa remise en cause se situe sur le front de la lutte des classes en France. Le capitalisme n’a pas la force de placer tout de suite notre pays sous dictature. L’état d’urgence, la répression des mouvements sociaux, la multiplication sous tous les prétextes des milices privées et des systèmes de surveillance y tendent cependant dangereusement.

Le capitalisme en est au stade, dans les pays occidentaux, de vider de leur sens les acquis démocratiques. 

Nous devons lutter contre l’exclusion des masses de la vie politique. L’abstention (la non-inscription même sur les listes électorales) peut être un acte politique ponctuel justifié. Mais son inscription dans la durée, jusqu’à l’indifférence, est dangereuse. La meilleure façon pour nous de s’opposer à cette tendance est de redonner son sens au vote communiste.

Il nous faut évaluer également les effets de l’éclatement du débat public et de l’information avec les nouvelles technologies de la communication. Les référents communs, comme le JT ou la presse quotidienne, s’effacent. Avec internet, la hiérarchisation de l’information est remise en cause ouvrant à de nouvelles récupérations politiques, parfois extrémistes voire sectaires (théorie du complot).

L’idéologie dominante sait aussi multiplier les débats de diversion, notamment lorsqu’ils renvoient les uns et les autres vers des identités ou des catégories présumées. Nos congrès précédents ont consacré beaucoup de temps aux questions « sociétales » notamment. La plupart méritent une position politique du Parti mais sans que jamais elle ne soit coupée des enjeux de classe profonds et des questions économiques et sociales.

Pour les capitalistes, plutôt le FN que le PCF

C’est le cas pour la plus grave des positions de diversion qu’encourage l’idéologique dominante : la division entre les travailleurs par la xénophobie et toutes les formes de racisme. Le recours par le système à l’extrême-droite remonte à 30 ans en France (alors directement par le PS) mais il est passé depuis 2012 à un nouveau stade. La montée de l’extrême-droite ne se limite pas au FN en France. A défaut pour l’instant – nous devons vérifier et réviser sans cesse la validité de ce constat – d’un parti fasciste de masse, des mouvements ultraréactionnaires, ou étroitement catégoriels (néo-poujadistes) ont envahi les rues ces dernières années et des groupuscules ouvertement néofascistes se manifestent plus bruyamment. Le mouvement est général dans les pays occidentaux mais prend des formes différentes suivant la force des traditions antifascistes et les besoins du capitalisme national (nous devons notamment étudier attentivement la poussée électorale récente du parti AfD et la signification des manifestations de rue anti-immigrés, anti-musulmans du mouvement « Pegida » en Allemagne).

En France, le FN, dans toutes ses composantes, continue plus que jamais à dévoyer et détourner les colères populaires vers la haine. Mais le nouvel appareil dirigeant de ce parti a fortement augmenté la démagogie sociale dans son discours et l’a associée de façon nouvelle à un positionnement économique étatiste et technocratique. Le système a décidé de pousser des franges beaucoup plus larges de la population, et notamment de la classe ouvrière, vers le FN et son organisation. La promotion éhontée du FN, érigé en opposant principal à la politique gouvernementale, par Valls notamment dans la dernière campagne électorale des régionales dépasse le calcul politicien à court terme. Nous devons mesurer attentivement la portée de deux prises de position récentes : l’appel solennel du président du Medef, Gattaz, à faire front contre le FN avant les élections régionales, la déclaration très calculée de Hollande comparant le discours du FN « à des tracts du PCF des années 70 ». Cette déclaration insultante pour nos camarades a suscité notre indignation générale. Il nous faut analyser en même temps à quel point le pouvoir essaie de valider et crédibiliser la démagogie sociale du FN en l’associant à notre histoire.

Mener le combat anticapitaliste est la meilleure arme contre les fascismes

L’axe de notre riposte au FN est la dénonciation de sa nature de classe au service du patronat et du capital par, en priorité, notre expression et notre action dans les entreprises, les quartiers et les campagnes, dans les luttes. Pour autant, cette position passe par le refus, largement exprimé par d’autres, de la banalisation du FN. Nous défendons sans relâche l’histoire et l’actualité de l’antifascisme. Nous ne tolérons aucun racisme, y compris dans nos rangs, en suivant le slogan toujours juste : « un raciste est quelqu’un qui se trompe de colère ». Ce refus de la banalisation du FN ne se confond en rien avec une « union sacrée », sur n’importe quelle base contre lui. Il n’est pas question pour nous de combattre le FN main dans la main avec le Medef ! Certaines positions « unitaires » récentes, notamment intersyndicales, opposant par exemple les soi-disant idéaux de « paix et de coopération » qui auraient présidé à la « construction de l’Europe » relèvent du parfait contresens ou de la tromperie dangereuse. L’opposition au FN ne saurait servir de prétexte à valider l’UE du capital qui porte intrinsèquement la mise en concurrence des peuples.

Nous avons été confrontés et nous allons être confrontés à la question de notre attitude au second tour des élections. Elle est piégeuse. Ne la laissons pas être structurante, diriger nos positionnements, notamment contre le FN. En rabattre sur nos positions anticapitalistes pour ménager des alliances électorales défensives contre le FN serait un parfait contresens. Au contraire, plus nous seront forts et clairs dans le combat anticapitaliste, dont la lutte contre le FN fait partie, plus nous serons à même d’échapper au piège électoral. Le moment venu, à partir de ce positionnement sans concession, nous pourrons faire la part des choses entre, d’un côté, l’impossibilité de cautionner, au nom de la lutte contre le FN, ceux dont la politique fait son lit et, de l’autre, l’enseignement historique qu’il ne faut laisser aucune tête de pont institutionnelle aux fascistes.

Dans le refus de la banalisation du FN, un exemple mérite d’être discuté au congrès. L’entreprise SAPAG, à Ham dans la Somme, produit des valves pour la grande industrie. Elle était menacée de fermeture imminente cet hiver par la multinationale qui l’a reprise (elle est toujours d’ici deux ans). L’intersyndicale a interpellé les élus de tous bords et organisé une réunion publique. A la tribune, se sont retrouvées toutes les étiquettes politiques dont le FN. Lorsque le FN est intervenu, avec un discours étudié en direction des salariés, personne de la tribune, pas même les élus communistes, n’a bronché. Seuls dans la salle, les représentants de la section voisine du PCF de Saint-Quentin ont manifesté ostensiblement leur refus de cette situation, entraînant un débat avec les ouvriers. Cette dernière position doit être tenue systématiquement et l’organisation du Parti doit donner le plus de moyens aux camarades pour la tenir. Faisons éclater les contradictions entre la démagogie sociale et la nature de classe du FN ! Lorsque les salariés d’Air France ont été sanctionnés, placés en garde à vue, après une lutte pour leur emploi, Philippot et Le Pen se sont rangés dans le camp des patrons. Il est impossible pour eux, sous peine de contrarier leur base bourgeoise, de ne pas dénoncer les grèves ouvrières, les manifestations pour les retraites ou le code du travail.

En bref, face au FN, soyons le mieux communistes possible !

À propos des nouveaux mouvements « radicaux ». Etats-Unis/Grande-Bretagne/Espagne/Grèce

Devant la crise de sa démocratie bourgeoise, le système encourage aussi l’émergence d’une social-démocratie de « gauche ». Il en a besoin pour contenir l’opposition populaire notamment du « peuple de gauche » attaché aux acquis sociaux et démocratiques. La vie politique reste formatée par les expériences comme l’Union de la gauche. La social-démocratie « de gauche », un certain gauchisme aussi, sont beaucoup moins stigmatisés que le point de vue révolutionnaire communiste, qui plus est en plein effacement depuis des années. Nous allons à la rencontre des aspirations que nous partageons de ce « peuple de gauche », aussi des couches moyennes en voie de prolétarisation et de paupérisation. Mais nous devons y aller sur une base de classe, sur des objectifs de lutte. Nous développons à plusieurs reprises, dans ce texte de congrès, la thèse que le PCF ne doit pas s’effacer plus encore dans cette illusion, dans une nouvelle illusion, une nouvelle tromperie social-démocrate de « gauche », même teintée « d’indignation ». L’analyse de la situation politique dans d’autres pays l’étaye.

Aux États-Unis, symétriquement au succès dans les primaires du candidat populiste de droite extrême Trump, on assiste à l’émergence de Bernie Sanders, sénateur indépendant, qui se prétend « socialiste », dans les primaires démocrates avec Hillary Clinton. Sa promotion médiatique est par elle-même le signe, comme celle de Trump, de l’épuisement du système politique américain et d’aspirations réelles à des changements sociaux, même si Sanders recueille principalement un soutien dans la petite bourgeoisie intellectuelle. Mais il n’y a aucune illusion à se faire sur Sanders. Ce « socialiste » exclut l’appropriation publique des moyens de production privés. Ses références sont Roosevelt ou Truman. Son directeur de campagne est celui qui a organisé la campagne d’Al Gore en 2000. Sur les questions très contestées des interventions américaines à l’extérieur, il les a quasiment toutes approuvées. Il est clair que la candidature Sanders est le moyen de canaliser  l’aspiration au changement pour renforcer la candidature d’Hillary Clinton, représentante directe de l’impérialisme US.

Au Royaume-Uni, Jeremy Corbyn est certainement le dirigeant du Parti travailliste le plus à gauche depuis 30 ans. Son élection est également un signe de crise de ce parti et du bipartisme britannique traditionnel. Pour autant, Corbyn est député depuis 28 ans et est un cadre du Parti social-démocrate le plus inséré historiquement et institutionnellement  dans la collaboration de classe. Il peine à rassembler le Labour sur ses positions courageuses contre les bombardements en Syrie ou pour le désarmement nucléaire. Il recule sur ses positions hostiles à l’UE et appelle maintenant à voter pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE au référendum de juin. Comme si le rôle que le système lui aurait dévolu était d’empêcher l’émergence d’une position de gauche de rupture avec l’UE.

En Espagne, le parti Podemos a canalisé, avec pour l’instant des succès électoraux, la contestation qui s’est exprimée notamment dans le mouvement diffus des « Indignés » ou dans la volonté de renouvellement politique manifestée, entre autres, par le changement d’équipes municipales dans les villes principales. Mais la nature opportuniste et politicienne de Podemos se révèle vite malgré la mise en scène d’une « nouvelle façon de faire de la politique » par son leader Pablo Iglesias. Non conformisme, «happening », « cyberdémocratie » d’un côté, mais négociations politiciennes très traditionnelles, recrutement – hautement symbolique – sur les listes électorales de l’ex général en chef de l’armée espagnole et de l’OTAN de l’autre. En fait de modernité, Iglesias s’applique, en populiste, à mettre en avant sa personne, à rejeter la forme parti, à dénigrer le Parti communiste espagnol.

Le Grèce de Syriza et de Tsipras fournit l’exemple le plus abouti du rôle de ces nouvelles formes politiques « radicales » et réformistes pour le compte du système. C’est le seule pays où l’une d’elle est arrivée au pouvoir. Le cas grec est devenu, encore plus en 2015, un sujet politique international. Cette expérience attire d’autant plus notre attention que Tsipras, dirigeant du PGE, a été et est toujours érigé en modèle par Pierre Laurent, ces dernières semaines encore, malgré l’accord UE/Turquie odieux contre les « migrants » qu’a préparé et défend Tsipras.

La Grèce présente plusieurs particularités. Le retard de développement de son économie dans la zone euro, le niveau de corruption de son appareil politique traditionnel, notamment du Parti socialiste Pasok, ont fait subir à son peuple, encore plus gravement qu’ailleurs, la dernière crise « financière » du capitalisme après 2008. Sa position géostratégique en fait un élément indispensable à l’OTAN. Les luttes sociales ont été fortes en nombre et notamment orientées par le Parti communiste grec (KKE) et le syndicat PAME suivant une ligne anticapitaliste conséquente. Les puissances capitalistes européennes et américaines avaient donc encore plus de raisons d’empêcher une rupture de ce pays avec l’euro et l’UE et le précédent qu’elle aurait représenté.

Depuis le départ, nous disposons de faits et d’analyses précis, notamment apportées par le KKE, sur la nature opportuniste et la ligne réformiste de collaboration de Syriza, malgré l’image de « radicalité » diffusée par l’idéologie dominante. Ensemble hétéroclite de petits groupes politiques, Syriza est devenue l’usine de recyclage de la social-démocratie. Le système avait besoin d’une nouvelle force d’opposition tant les partis d’alternance traditionnels, le PASOK totalement discrédité et la droite, se confondaient aux yeux du peuple. Vers 2010, le système pouvait craindre que la colère et les luttes populaires contre le gouvernement Pasok et la droite, tous deux pro-UE, débouchent sur une rupture avec l’UE. En quelques années d’attention particulière de la « Troïka » (UE, BCE, FMI), Syriza a pu monter en puissance à la fois comme force nouvelle prétendument d’opposition « radicale » mais fidèle à l’UE et l’euro. Sa réalité a éclaté dès sa victoire électorale de janvier 2015. Tsipras noue aussitôt une coalition avec un parti libéral et raciste de droite extrême (ANEL), donne des gages à l’Eglise, l’armée et aux armateurs. Il renforce ensuite l’intégration dans l’OTAN et s’allie de façon inédite avec Israël. Les mois de laborieuse négociation, début 2015, avec l’UE, la BCE et le FMI se confirment être rétrospectivement un travail politique de pédagogie de la résignation. Il débouche en juillet sur l’acceptation du pire plan antisocial infligé à un peuple d’Europe capitaliste depuis 1945. La porte est ouverte à un retour direct de la droite au pouvoir et à une poussée fasciste, encore davantage avec la gestion désastreuse de la question des « migrants ». L’utilité politique de l’exemple grec et de Syriza pour le capital vaut, comme école de la résignation, pour toute l’Europe.

Nous soumettons ces faits et analyses, désormais peu contestables, au 37ème congrès et proposons que le congrès acte une rupture avec Syriza et un rétablissement des relations officielles entre le PCF et le KKE et invite notamment ce dernier à la Fête de l’Humanité 2016.

Moins flambante que la tromperie du réformisme « radical », la seule voie pour des communistes conséquents, c’est la reconstruction d’un parti de classe sur des analyses rigoureusement anticapitalistes.