Disparition de l’ex-président du PGE Lothar Bisky : mort d’un conformiste de « gauche »

Brève, vivelepcf, 17 août 2013

Le politicien allemand Lothar Bisky est décédé à 71 ans le 12 août 2013.

Terne et méconnu, même dans son pays, il a cependant droit à des hommages appuyés allant du président social-démocrate du Parlement européen Martin Schulz au ministre « libéral » de l’économie Philip Rösler et bien sûr de ses confrères dirigeants de « die Linke » et du Parti de la gauche européenne.

Le parcours de Lothar Bisky accompagne étroitement depuis 1989 les transformations politiques de la gauche en ex-RDA et dans toute Allemagne, marquées par la liquidation de la principale organisation d’origine marxiste-léniniste, héritière du Parti communiste allemand, le SED, le parti socialiste unifié d’Allemagne, qui deviendra le PDS, Parti du socialisme démocratique en 1990 avant de disparaître, par étapes, dans « la gauche ».

Avant 1989, la vie de Lothar Bisky ne connaît qu’une seule aspérité. En 1959, à 18 ans, il fait le choix de quitter l’Allemagne de l’ouest et de s’installer en République démocratique allemande. Son cas est beaucoup moins isolé alors qu’on ne l’imagine. Pour un jeune homme pauvre, les perspectives de poursuivre des études sont bien meilleures en RDA. Politiquement à l’époque, Bisky se sentait « socialiste » même s’il a avoué se reconnaître dans Nietzsche et ne comprendre rien à Lénine.

En Allemagne démocratique, il fait une carrière intéressante et épanouissante d’universitaire jusqu’à devenir en 1986 le directeur de l’école de cinéma de Babelsberg.

Ses tiraillements, affichés rétrospectivement ces dernières années, ne lui auront pas nui puisqu’il les a courageusement gardés pour lui. A la construction du Mur de Berlin, il se dit : « je retourne de l’autre côté » mais il n’en fait rien. En 1968, il s’émeut de l’intervention des forces du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, ce qui ne l’empêche pas dans un livre écrit en 1980 de célébrer (à juste titre…) la répression d’une « tentative de renversement contre-révolutionnaire ». Dans les années 80, il est intérieurement un fervent admirateur de Gorbatchev mais se garde de le montrer.

C’est de ce type d’hommes peu courageux et conformistes que ceux qui, de l’intérieur, veulent transformer et détruire le mouvement communiste allemand après 1989/1990 ont besoin. Après 30 ans de silence politique conformiste, il s’engage à partir de 1989/90 dans 25 ans d’activité politique toujours conformiste.

L’Allemagne de l’est a une histoire profondément différente des autres pays de l’est. Elle est l’héritière, même très déformée, d’un puissant mouvement ouvrier et communiste, de la Résistance antinazie. Elle a été au centre de la guerre froide. La RFA l’annexe sur une base idéologique revancharde qui exclut les retournements de veste en un jour des nomenclaturistes, tels qu’on les a observés dans les autres pays.

Les Gorbatchéviens est-allemands sont contraints de ruser. Homme sans aspérités (« sans qualités » ?), Bisky devient un instrument utile aux droitiers. Le bateleur Gregor Gysi, avocat des dissidents, tout en étant lié à la Stasi (avant que ses connivences avec l’ambassade des Etats-Unis soient dévoilées par Wikileaks) ne peut tenir tous les rôles. Le patron gorbatchévien de la Stasi, Marcus Wolf, ne peut plus agir directement. Bisky va être le conciliateur utile, la courroie de transmission, l’intermédiaire consciemment effacé, du processus  d’élimination progressif de l’organisation communiste, dans un contexte de désarrois collectif total.

Celui qui ne s’était jamais mêlé de rien devient en quelques mois un artisan de premier plan, sous des airs modérés, de la dissolution du SED, de la création d’un PDS reniant les fondements marxistes-léninistes, pourtant si décisifs pour la lutte dans un environnement de nouveau capitaliste. Bisky sera premier dirigeant du PDS de 1993 à 2000 puis de 2003 à l’étape suivante, la fusion de ce parti avec la partie de la social-démocratie détachée par Oskar Lafontaine dans « Die Linke » qu’il codirigera un temps.

L’adaptation, résignée ou volontairement réformiste, au capitalisme, à son idéologie, au système politique de l’Allemagne impérialiste, aura été l’objectif guidant Bisky. Faire avec…

A la tête du Parti de la gauche européenne (de 2007 et 2010 avant de laisser la place à Pierre Laurent), et du groupe GUE/NGL au Parlement européen, il se distingue encore dernièrement en soutenant la résolution appelant à une intervention militaire en Libye et par son soutien à l’OTAN. Il a fini sa vie politique en signant un appel pour « sauver l’euro et l’Union européenne » en juin 2013. « La gauche doit se battre pour assurer qu’il n’y aura aucune sortie de la voie de l’intégration européenne » affirmait-il.

S’adapter à l’air du temps, l’expression a donné en allemand un concept valable pour les individus : les « Mitmacher », « ceux qui font avec ».

Lothar Bisky aura été une figure bien représentative de la « gauche européenne ».

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