Sans surprise, les négociations associant patronat et syndicats sur la modification du droit du travail ont abouti à un accord signé par trois centrales syndicales sur cinq. C’est logiquement un accord gagnant-perdants : avec d’un côté le patronat, de l’autre les travailleurs. Le Medef n’arrive même pas à masquer sa satisfaction.
Les patrons et les actionnaires sont en effet bénéficiaires sur toute la ligne des nouvelles dispositions prévues.
Le texte étend les possibilités de chantage patronal au licenciement, permettant d’imposer des baisses de salaire et des changements de temps de travail, au nom de la sauvegarde de l’emploi, en cas de « difficultés conjoncturelles ».
Les possibilités juridiques de contestation par les salariés de leur licenciement et même de reconnaissance de leur maladie professionnelle sont limitées dans le temps.
Au nom de la taxation des CDD, les syndicats ont validé un nouveau dispositif de modulation des cotisations patronales chômage qui accroît globalement les exonérations.
En échange d’une mobilité choisie des salariés, ils ont validé des possibilités de mutation d’office. Et caetera !
Le Medef se félicite du nouveau marché qui s’ouvre pour les assurances privées avec les conditions d’extension des complémentaires santé acceptées par les syndicats.
Mais le pire pourrait bien être à venir. Il est dans les intentions. Hollande, pressée par l’UE et le FMI, de « réformer le marché du travail » s’empresse de saluer le compromis. Le gouvernement va pouvoir le transposer et l’aggraver par une loi en mars. Surtout, politiquement, ces négociations, par leur existence même, donne un appui politique grave à la campagne de propagande sur la « compétitivité » pour imposer de nouveaux sacrifices aux salariés et aux retraités.
A la logique d’accompagnement et de collaboration de classe qui valent dans l’accord à l’octroi de quelques places, « avec voix délibératives » dans les conseils d’administration des plus grandes entreprises, les salariés, partant de leurs luttes, ont le rapport de force pour imposer une résistance et des reculs à la politique gouvernementale que Hollande poursuit après Sarkozy.
Parmi nombre de revendications immédiates, nous appelons à la mobilisation contre le dispositif des « ruptures conventionnelles » établis en 2008. Dans 75% des cas au moins, il s’agit de licenciements déguisés, dans des conditions plus défavorables que les conditions générales. Tiens ! De cela, personne n’en a parlé lors de ces négociations !
Pcf Paris 15, 11 janvier 2013
La lutte des classes existe dans la France capitaliste. On trouve même des sondages IFOP (l’institut de Mme Parisot) pour reconnaître cette évidence : au moins 64% de la population sont conscients de « la réalité de la lutte des classes » suivant l’enquête IFOP pour l’Humanité du 9 janvier.
Restons-en aux évidences.
Dans « lutte des classes », il y « classes », d’un côté les possédants, les exploiteurs (et leurs serviteurs), de l’autre, ceux qui n’ont que leur travail pour vivre.
Dans « lutte des classes », il y a « lutte ». Ces deux catégories ont des intérêts opposés et elles s’affrontent de façon plus ou moins organisée.
Voilà pourquoi, fondamentalement, il ne peut pas sortir quelque chose de bon pour les travailleurs, aucun « compromis » avantageux, des « négociations » voulues par le gouvernement, entre organisations patronales et syndicales, sur la « réforme du marché du travail ».
Aucun acquis social n’a jamais été obtenu ou sauvegardé en partant d’une discussion feutrée autour d’une table, encore moins octroyé par le patronat ou l’Etat. De 36 à 68 ou à 95, tout n’a été affaire que de rapport de forces dans cette lutte des classes.
On comprend bien le sens de l’initiative de François Hollande.
Il bénéficie encore de l’appui explicite (et inédit) que les principales centrales syndicales lui ont accordé avant les élections présidentielles. Il est moins disqualifié que ses prédécesseurs – pas pour longtemps – pour tenter d’organiser « l’union sacrée » dans le pays contre la crise, autrement dit un cadre pour que la patronat et le capital utilisent le plus tranquillement leur propre « crise » contre les salariés.
La volonté du capital d’intégrer les représentants des salariés à la gestion du système est aussi vieille que lui-même.
La « conférence sociale » de Hollande suit la loi sur le « dialogue social » de Raffarin puis celle sur la « représentativité syndicale » de Sarkozy, acceptée en 2008 par les principales centrales. Dans toute l’Ue, le système de « cogestion » à l’allemande, de collaboration de classe institutionnalisée est plus que jamais le modèle. Les « négociations » actuelles s’inscrivent dans ce schéma, même si elles n’aboutiront guère qu’à un accord limité sur le contenu et nombre de signataires.
Aucun syndicat ne prendra le risque de se discréditer au point d’approuver la volonté du Medef de remise en cause du Contrat à durée indéterminée, CDI. Le Medef se tiendra à des dispositions restreintes que certains syndicats approuveront et d’autres non à la fin des négociations. C’est le jeu !
Mais là n’est sans doute pas tant la question. En faisant rentrer dans le jeu des négociations tous les syndicats, fût-ce au nom de la « sécurisation de l’emploi », le gouvernement réussit à légitimer pour l’opinion la nécessité de sa « réforme » du droit du travail, pour la « compétitivité ». Des pans entiers du code du travail sont menacés. La tâche du gouvernement se trouve facilitée pour procéder, par étapes, en commençant par un projet de loi en février, suivant l’Allemagne ou l’Italie dans la feuille de route européenne.
Dans ces vœux de fin d’année, Hollande met en parallèle « la sécurisation de l’emploi pour conjurer à la fois la peur du salarié d’être licencié et la peur du patron d’embaucher ». Tout un programme et, en même temps, une belle négation de la lutte des classes !
Les dispositions précises discutées par les « partenaires » (normalement adversaires) sociaux rentrent dans cette logique. Une modulation des cotisations sociales patronales, pour l’instant des cotisations chômage, viendrait encore justifier un peu plus les cadeaux au patronat au nom de l’emploi des jeunes. Les syndicats dénoncent l’absence de « contreparties » aux 20 milliards d’euros de crédits d’impôt aux entreprises décidés par le gouvernement. Nouveau secrétaire du PS, Harlem Désir a annoncé la couleur : le PS va négocier ces contreparties pour mieux accompagner la mesure scandaleuse.
Le MEDEF défend ses intérêts de classe, il en « veut toujours plus » : c’est bien logique, il n’y a pas à s’en offusquer. Le Président et le gouvernement, élus, par défaut, contre Sarkozy, sont dans le camp de l’UE, du capital et du patronat. Vraiment, qui pouvait se faire des illusions là-dessus ?
Avec eux, le dialogue social, la négociation, le compromis ne peuvent pas constituer des objectifs en soi ! Mais rassembler et mettre en échec, en partant des luttes, leur politique, c’est l’objectif des révolutionnaires pour 2013, année sans brouillage électoral !
Pcf Paris 15, 12 janvier 2013