38ème congrès du PCF, après le vote interne et le CN des 13 et 14 octobre 2018: état des lieux par les initiateurs du texte « Reconstruire le Parti de classe – Priorité au rassemblement dans les luttes ».

38ème congrès du PCF, après le vote interne sur les propositions de base commune et la réunion du Conseil national des 13 et 14 octobre 2018

Introduction prononcée par Emmanuel DANG TRAN, membre du Conseil national du PCF, dans la suite de son intervention du Conseil national, à l’occasion d’un point presse, le 17 octobre 2018, des initiateurs du texte alternatif « PCF : Reconstruire le Parti de classes – Priorité au rassemblement dans les luttes » ‘Eric MONNINI, Dominique NEGRI, Guy NIEL, Corinne BECOURT sont aussi intervenus)

 

Le vote interne a confirmé la situation d’impasse et de crise dans laquelle se retrouvent à la fois le congrès et le Parti. Aucune perspective ne ressort en rupture avec la stratégie qui conduit à l’effacement politique quasi-total, révélé par le désastre électoral de 2017 (613.000 voix, 1,23% des inscrits, le plus mauvais résultat de l’histoire : Peut-on le faire oublier ?). C’est pourtant cela qui justifiait la convocation d’un congrès extraordinaire. Mais, il se confirme à chaque étape que tout est fait pour que celui-ci ne le soit pas.

A défaut, on assiste à une nouvelle dérive : l’affichage, y compris dans les médias dominants, des ambitions et des rivalités personnelles entre dirigeants. Ce qui est commun dans les courants du PS ou à EELV est consternant pour un Parti communiste !

C’est le résultat logique de la volonté commune des groupes dirigeants sortants, même en concurrence entre eux, d’esquiver les débats de fond et toute remise en cause de la ligne politique qu’ils ont appliquée ensemble.

Des membres du CN s’émeuvent aujourd’hui que la majorité des communistes n’ont pas lu les textes. Ils oublient qu’ils n’ont pas été envoyé aux adhérents, ce que nous avons été les seuls à dénoncer. Passons sur les multiples irrégularités dans l’organisation de la consultation, sauf sur une : le changement, à notre insu, de l’intitulé de notre texte sur le bulletin de vote.

Faute de débat de fond, les communistes ont donc eu le droit, ces dernières semaines, à une campagne électoraliste, autour de personnalités, digne de la démocratie bourgeoise que nous condamnons. Jusqu’à des appels lamentables au « vote utile ».

La principale manœuvre pour écarter les communistes des décisions essentielles a consisté à sortir la préparation des élections européennes du débat de congrès. En avançant le congrès de 6 mois, la direction a pris garde que le congrès ne s’exprime pas sur les combinaisons électorales finales. En désignant, hors des statuts du Parti, en parallèle du congrès, une « tête de liste » virtuelle, la direction du Parti, ses deux clans rivaux ensemble, rassurent momentanément les communistes inquiets de l’effacement du Parti. Mais on ne peut s’y tromper. Ian Brossat symbolise l’alignement sur le social-libéralisme de Delanoë et Hidalgo. Déjà à l’ordre du jour, comme on l’a vu à la Fête de l’Huma, prime la recherche d’alliances à « gauche » avec les pro-UE de Hamon, voire de certaines personnalités d’EELV. En concordance, la ligne de réorientation de l’UE, d’acceptation de l’échelon supranationale, celle du PGE de Tsipras est maintenue. A nouveau, c’est ce qui ressort de la séance du 14 octobre du CN. Ces positions, contraires avec la dénonciation historique de l’UE par notre Parti, condamnent d’avance l’hypothèse de « Brossat, tête de liste », à moins d’être prêt à encaisser une nouvelle débâcle électorale.

Ce congrès non-extraordinaire a la particularité de voir s’affronter deux groupes issus de la direction exécutive sortante. Nous y voyons à la fois une manifestation de la crise du Parti et un moyen de maintenir la même ligne d’abandon de sa raison d’être.

Nous avons analysé les deux textes en concurrence (voir en lien notre article du 1er juillet : Nous n’avons aucune raison de rallier le texte Chassaigne/économistes+ «identitaires». La rupture que nous voulons ne passe pas par une révolution de palais et la lutte des places.). La compatibilité totale entre les deux textes s’est confirmée dans les échanges du CN, le 13 octobre, notamment dans les interventions d’André Chassaigne et de Fabien Roussel. Les positions économiques sont les mêmes, celles de la « section éco » qui prétend tout moduler et « réorienter », les critères de gestion capitalistes, les aides au patronat, le CICE et les exonérations de cotisations sociales patronales, la politique de « quantitative easing » de la BCE, etc. Les deux textes reprennent aussi l’abandon de la notion de rupture révolutionnaire, remplacée, depuis Hue, par une nébuleuse « visée communiste ». Ils émettent, tous les deux, maintenant que l’échéance des présidentielles de 2017 est passée, une autocritique sur l’alignement sur Mélenchon, mais tout en réaffirmant la priorité aux alliances avec des partis de gauche réformistes.

Le texte Chassaigne l’a emporté sur le texte Laurent lors du vote des 4, 5 et 6 octobre. Pour ces raisons, il ne faut pas y voir un séisme, comme le proclament une partie des médias et certains anticommunistes qui font des gorges chaudes de ces rivalités de personnes dans le Parti.

Par ailleurs, l’écart est très faible - 42% contre 38% – et correspond à la différence de voix dans une seule fédération (celle du Pas-de-Calais). Cet équilibre peut faire craindre, pour les quelques semaines d’ici le congrès nationale, une exacerbation mortifère des lutte de personnes.

Nous avons conscience de dresser là un tableau noir de la situation du PCF. Mais il ne résume pas tout. Notre lucidité inclut une part d’optimisme révolutionnaire et nous avons, désormais, une longue expérience de la stratégie d’abandon et de déclin du Parti.

Le vote a fait apparaître une progression de notre démarche. Notre texte obtient 500 voix de plus (2507 au lieu de 2001) qu’en 2016 et arrive en tête dans trois fédérations (Haute-Saône, Aisne et Tarn). Ce progrès s’apprécie d’autant plus que nous sommes les seuls à ne pas avoir de moyens institutionnels nationaux et que la campagne du « vote utile » était notamment dirigée contre notre expression. Notre démarche de reconstruction progresse, au-delà de la simple dénonciation. C’est une bonne chose.

Nous voyons aussi en positif que plus de 30000 communistes aient participé au vote, même si, ici ou là, la participation a été dopée par l’affrontement entre dirigeants, même s’il y a 4000 cotisants de moins qu’en 2016. Le PCF existe toujours avec de nombreux camarades attentifs, attachés à maintien et son développement.

D’ici le congrès national, dans 5 semaines, et pour la suite, nous nous adressons à tous.

Notamment à ceux qui ont choisi le texte Chassaigne, même conscients de ses limites, pour exprimer leur volonté de changement, notamment à ceux qui ont choisi le texte Laurent, même critiques, mais par un légitimisme assumé pour parer de nouvelles divisions et une révolution de palais, aussi, à ceux qui, souvent excédés par des pratiques de directions locales et à la recherche d’une radicalité qu’ils voient dans un « Front de gauche » (ce n’est pas notre cas) ont choisi le texte alternatif n°1 (Borvo-Cohen-Seat).

Nous nous adressons également aux milliers de communistes qui sont restés à l’écart du vote, à des dizaines de milliers de communistes désormais sans carte, de militants syndicalistes ou associatifs qui attendent quelque chose, un redressement, de l’organisation communiste, son retour à sa raison d’être dans la lutte des classes.

Dans les semaines d’ici le congrès national, toujours par lucidité, nous appelons le Parti et ses directions à limiter les dégâts, à réintroduire les débats principaux.

Il faudrait d’abord tout faire pour couper court aux rivalités de personnes ! Un dirigeant parisien du PCF vient de déclarer sur C-News : « Remaniement, le problème n’est pas de changer de personne mais de changer de politique ». Bien d’accord ! Cela vaut aussi pour le Parti ! A ce stade du congrès, dans le Parti, le ripolinage passerait peut-être mieux avec une nouvelle tête dirigeante mais ce n’est pas d’un ripolinage dont les communistes ont besoin ! Puisque les textes Chassaigne et Laurent sont totalement compatibles, qu’ils s’entendent aussi, le plus vite possible, sur les questions de personnes et de postes dirigeants!

D’ici les congrès locaux et le congrès national, nous ferons tout pour pousser les débats de fond dont les communistes ont été privés. Certains congrès locaux se déroulent dès ce 20 octobre, ce qui n’aura laissé que quelques jours à l’analyse collective de la « base commune »…

Malgré tout, nous voulons imposer la discussion sur plusieurs sujets, notamment :

-          L’exigence de nationalisations immédiates, alors que le pouvoir veut privatiser Aéroports de Paris et la Française des Jeux, mais seulement là où existe un rapport de force pour une nationalisation démocratique (Alstom, Arcelor) et non une « nationalisation des pertes ».

-          La nécessité de lier la défense des hôpitaux, de l’offre de soins (Psychiatrie et EHPAD compris), du système de retraites avec la remise en cause des exonérations de cotisations sociales patronales, de la CSG dans son principe même.

-          En lien, l’élévation de la lutte, potentiellement très rassembleuse, contre le Prélèvement à la source, qui menace autant l’impôt progressif que le financement à terme de la Sécu.

-          Le refus de laisser la question de l’immigration être instrumentalisée de toute part pour faire diversion, diviser la classe ouvrière. La dénonciation des politiques capitalistes de trafic de main d’œuvre, de guerre et d’exploitation ne peut pas se confondre avec le rejet de leurs premières victimes. Construire la solidarité de classe en France entre travailleurs de toutes origines, et la solidarité internationaliste contre l’impérialisme doivent être les seuls repères des communistes, après l’élan humaniste spontané.

-          Sur l’UE, il est plus indispensable que jamais de remettre en avant les analyses et les positions de rupture que notre Parti a portées historiquement ( de l’après-guerre  jusqu’aux années 90) contre cette construction capitaliste inamendable.

-          Nous appelons à mesurer combien le refus de contester l’application des directives de mise en concurrence a pesé sur le mouvement cheminot de ce printemps (les «économistes en appelaient à réorienter le « Quantitaive Easing » de la BCE »!). Une mobilisation, efficace car sur le fond, pouvait se développer à partir de la revendication du maintien du monopole public : nous l’avons montré en lançant une pétition, mais à quelques sections seulement.

-          Ne pas laisser le rejet de classe de l’UE être dévoyé par les nationalistes : c’est une responsabilité historique du PCF en France. La rupture nécessaire avec l’UE du capital est incompatible avec l’acceptation de la légitimité et du primat de l’échelon européen, des institutions européennes (Parlement européen compris), sur les acquis sociaux et démocratiques nationaux : exactement ce que les peuples contestent.

-          Ce repositionnement fondamental implique pour nous, communistes français et internationalistes, une sortie du Parti de la gauche européenne, ce PGE intégré à l’UE et dont la politique de Tsipras en Grèce est, plus que jamais, la  vitrine, résignée, antisociale, soumise aux puissances d’argent coordonnées par l’UE.

-          Enfin, à défaut de tout pouvoir citer de ce qui aurait dû être l’objet d’un vrai congrès, une campagne nous est particulièrement importante. D’ici quelques semaines, avant le 11 novembre 2018, la propagande va se déchaîner pour justifier la « paix armée », faire la propagande des « opérations extérieures ». En lien avec le vote du budget, les coupes dans les budgets sociaux, en lien avec cet anniversaire, avec la montée des tensions et des périls inter-impérialistes, nous mettons à la disposition des organisations du Parti et soumettons au congrès une pétition appelant, notamment à la sortie de la France de l’OTAN, au désarmement nucléaire, à la baisse des crédits militaires.

Notre démarche ne s’arrête pas au congrès national.

L’issue à la crise du PCF ne passe pas par un ripolinage « identitaire », par un changement de casting dans les directions. Plusieurs conceptions différentes, opposées, de l’avenir du Parti existent. Elles doivent être discutées au grand jour.

Pour ce qui nous concerne, nous ne nous associerons pas aux apprentis taxidermistes qui veulent, du PCF historique, ne conserver que l’apparence, le nom, après avoir vidé le corps de sa substance, ni aux archivistes qui ne pensent plus le Parti que comme le gérant d’un fonds historique. Nous n’imaginons pas la suite du PCF, outil dont le monde du travail a tant besoin, dans la survivance poussive d’un appareil de cadres et d’élus, intégré, comme caution politique et historique « communiste » (notamment vis-à-vis de la CGT), dans la « gauche » réformiste d’accompagnement.

30 ans de « mutation-liquidation » nous ont appris que les choix du moindre mal, du plus petit dénominateur commun à court terme, n’évitent pas le pire, la poursuite du processus d’effacement. Nous avons proposé et continuerons à avancer une ligne de rupture franche avec 30 ans de « mutation-transformations » du PCF, le retour aux fondamentaux théoriques, marxistes et léninistes, et leur expression dans les luttes actuelles.

Nous voulons développer encore une démarche essentielle, déterminée – nécessairement patiente, pour être en état de reconstruire rapidement sur des bases communistes saines : celle de porter les positions et les luttes, que l’on attend d’un PCF révolutionnaire, en toute clarté, à partir des organisations militantes, dans les entreprises et les localités, celle reconstruire les organisations militantes que la stratégie institutionnelle et les positions réformistes ont étouffées.

Le relèvement du Parti communiste français sera l’œuvre des communistes eux-mêmes, de ceux qui, dans la lutte des classes, ont le plus intérêt à l’existence d’un parti marxiste et léniniste, héritier des grandes luttes et des grandes conquêtes sociales et révolutionnaires du 20ème siècle. Nous les appelons, notamment les jeunes, à se réapproprier ce qui est leur parti.

En 2020, nous célèbreront le 100ème anniversaire du PCF. Alors que certains prédisent notre disparition d’ici là, que d’autres nous considèrent déjà comme des pièces de musée, nous faisons de cette date, de la remise à jour et de l’actualisation des 21 conditions de l’adhésion à l’internationale communiste, un objectif, un point d’étape, dans la réaffirmation du PCF, dans sa reconstruction engagée sur les bases de classe, marxistes et léninistes, sur la base de l’héritage glorieux des luttes des communistes français pour le progrès social, pour la Libération, contre les guerres coloniales, pour l’internationalisme, pour le socialisme, pour la révolution.