A propos de la dernière vague de licenciements au Conseil national du PCF

Emmanuel Dang Tran, pour Vivelepcf, 29 septembre 2018

Exceptionnellement, nous reproduisons sur notre site un article qui ne vient pas de nous, en l’occurrence l’article de Médiapart  du 25 septembre 2018 relatif aux licenciements au Conseil national du PCF. Il circule déjà largement dans le Parti sur les « réseaux sociaux ».

Le journaliste me cite, après m’avoir interviewé. Il rend très exactement le témoignage et les éléments que m’a aussi apportés Sylvie, l’une des camarades licenciés.

Je suis intervenu à la réunion du CN du 5 septembre 2018, après avoir été contacté par Sylvie. Mon objectif était d’informer les membres du CN car ils ne l’avaient pas été et les camarades licenciés n’avaient pas toutes leurs adresses. Leurs propres collègues, autres salariés du CN, apprennent, pour la plupart, maintenant seulement la situation. Mon deuxième objectif était d’être mieux informé par la direction exécutive. Le journaliste a eu plus de succès que moi. Mon troisième objectif, l’essentiel, était et est de contribuer à ce que les 4+2 camarades soient repris, reclassés dans de bonnes conditions (avec leur CV, ce sera très difficile), indemnisés à hauteur de leur préjudice, y compris moral, vu leur engagement pour le Parti. Les difficultés financières du CN sont réelles et rentrent dans un autre débat, de congrès, mais il reste beaucoup d’argent…

Il s’agit aussi de défendre l’image du Parti qui ne saurait passer pour un « patron comme les autres ».

A ce titre, plusieurs éléments ont de quoi inquiéter les camarades. Le CN choisit le recours, coûteux, à un cabinet privé de reclassement plutôt que de passer par Pôle Emploi (Sylvie a refusé « l’aide » du groupe privé). Il se vérifie aussi que des mouvements de personnels récents ont eu lieu, avec des embauches. L’intitulé, sinon la nature, des nouveaux postes diffèrent, beaucoup ou seulement un peu, de ceux qui sont supprimés. Les compétences des camarades licenciés n’ont jamais été remises en cause, notamment celles de Sylvie, qui est aussi militante du PCF depuis 37 ans. Dans le Parti, c’est aussi une considération qui devrait peser.

L’embauche, certes à un poste politique, ni confirmée, ni infirmée, par la direction du PCF contactée par Médiapart, de Christian Picquet, transfuge de la LCR, à 66 ans, a de quoi laisser les communistes pantois. Il n’y a pas si longtemps, nous dénoncions les « cumulards » !

Ce n’est pas de notre faute si l’ancien permanent de la LCR, spécialisé dans la rubrique anti-Marchais de « Rouge » a été mal payé et touche une petite retraite. Qu’il règle ses comptes avec l’héritier de sa maison-mère, le NPA, pour « travail » dissimulé ! Passé de la LCR à l’aile la plus pro-PS du PCF en … 2015 (après avoir constitué le parti alibi bidon, « Gauche unitaire »), M. Picquet a déjà bénéficié, grâce aux communistes, d’un emploi d’attaché au Parlement européen, puis d’un poste de conseiller régional à Toulouse. C’est déjà pas mal !

En 2008, il était licencié, au bout de 28 ans, à 55 ans, de la LCR où il touchait 1745 euros net par mois (Libération du 10 mai 2008). Fraternel, Krivine disait de lui : «C’est un vrai militant, mais des comme lui, j’en connais des centaines.» Avant de rappeler qu’à la direction tous les vieux ont cédé leur place, que la LCR «n’a que deux permanents et ne peut se payer le luxe d’en avoir un qui ne fout rien».

Tiens, Sylvie va précisément avoir 55 ans et 28 ans aussi de bons et loyaux services. Mais elle a aussi 6 enfants, 37 ans de militantisme fidèle pour le PCF de Gaston Plissonnier, Etienne Fajon et Georges Marchais et des compétences professionnelles et politiques que personne ne conteste…

 

 

Le PCF licencie, lui aussi

Article de Médiapart du 25 septembre 2018, Par Dan Israel

En proie à une chute de son budget, le Parti communiste a procédé à quatre licenciements économiques cet été, et devrait supprimer deux postes supplémentaires, pour aboutir à 30 salariés à la fin de l’année. Une secrétaire licenciée proteste et un responsable du parti opposé à la direction déplore que le PCF se comporte « comme un mauvais patron ».

Des lettres de licenciement qui arrivent au cœur de l’été, visant des salariés ayant plus de 50 ans, une longue ancienneté professionnelle, et dont trois sur quatre sont des femmes. Deux autres suppressions de poste sont à venir, et la situation est justifiée par les difficultés économiques récurrentes de l’employeur. Ces faits pourraient être banals, et ne pas plus retenir l’attention que les centaines de cas semblables qui se sont produits cette année. Mais l’employeur ayant procédé à ces licenciements économiques, fin juillet, n’est autre que le Parti communiste français (PCF). Et la procédure attire, fatalement, le regard.

Sylvie est l’une des salariées concernées. Celle qui a fait toute sa carrière au siège du PCF, dans l’emblématique immeuble de la place du Colonel-Fabien à Paris, n’accepte pas la situation. « J’ai 54 ans, j’ai adhéré à 17 ans au parti et j’y ai toujours milité, dans l’Essonne, indique-t-elle. Je suis employée au siège depuis 1991. J’ai commencé par le ménage, puis je suis passée par dix ans au standard, avant de devenir secrétaire. J’ai encore trois enfants à charge, qui voudra m’embaucher désormais, à mon âge, et avec un tel C.V. ? ». « Licencier comme cela, c’est grave, on se bat justement pour que de telles choses n’arrivent pas dans les entreprises. Je n’ai pas adhéré à un parti qui agit ainsi ! », insiste-t-elle.

Le licenciement de Sylvie et de ses collègues jette une lumière crue sur les finances du PCF. En chute libre. Selon la lettre de licenciement de la secrétaire, alors que le budget 2016 du parti s’élevait à 8,5 millions d’euros, il a chuté à 7,5 millions en 2017, et ne devrait pas dépasser 5,6 millions pour 2018. Cette brutale chute financière s’explique par les mauvais résultats électoraux lors des élections législatives et sénatoriales de juin et septembre 2017. Ils « se sont traduits par des pertes de sièges qui ont impacté le budget national ».

« Nous allons donc subir une perte de 1,6 million, soit une baisse de 27 % par rapport à 2017, et nos prévisionnels d’exploitation démontrent qu’à défaut d’économies substantielles, nous risquons d’être en état de cessation de paiement dès l’année 2019 », indique le courrier lui annonçant la suppression de son poste. Suppression qui « ne permet pas de solution de reclassement au sein du conseil national, compte tenu des éléments budgétaires évoqués et des profils de postes correspondant au nouvel organigramme », assure la lettre signée par Jean-Louis Frostin, administrateur du siège et directeur des ressources humaines du parti.

« Dès juin 2016, le comité exécutif national du PCF a engagé une réflexion sur le dispositif de travail, explique ce dernier à Mediapart. Nous avons fait en sorte de ne pas remplacer tous les départs à la retraite, nous avons négocié des ruptures conventionnelles avec des salariés et nous avons procédé au maximum à des économies, mais cela n’a malheureusement pas suffi. » Les licenciements se sont révélés inévitables, assure l’administrateur, et tous les postes de secrétaires et de conseillers politiques attachés à un seul dirigeant ont disparu, au profit de salariés « au service d’un collectif de direction ».

Là où le siège du PCF comptait 44 salariés en 2015, ils ne sont plus que 32 à l’automne 2018. Deux autres postes seront encore supprimés d’ici la fin de l’année, sans doute sous forme de licenciements économiques, et d’autres départs à la retraite sont attendus dans les prochains mois.

Contactés par Mediapart, les représentants du personnel (CGT) du siège du parti, Jérôme Wurtz et Yann Henzel, soulignent avoir « toujours veillé à ce que le maximum soit fait » pour éviter les licenciements, et rester « très attentifs à ce que tout ce qui est légalement possible dans ce cadre soit fait » concernant « ces licenciements, durement vécus, non seulement par les collègues concernés, mais aussi par les salariés du siège du PCF ». Un accompagnement personnalisé a été proposé aux licenciés, assuré par le cabinet de reclassement privé Oasys, « afin de les aider à définir et réaliser un nouveau parcours professionnel s’inscrivant dans un projet de vie ». Trois salariés sur quatre l’ont accepté.

Solidaires à la manœuvre

Pour protester contre les licenciements, ce n’est pas la CGT, mais le syndicat Solidaires qui a mené la fronde. Le 3 août, un courrier, signé par Virginie Duval, une militante d’Asso, l’antenne de Solidaires en charge du secteur associatif, et Cécile Gondard-Lalanne, la co-porte-parole, s’étonne de la procédure auprès des dirigeants du parti, et rappelle que le syndicat et le parti « se sont régulièrement retrouvés, dans le mouvement social, et au sein de collectifs pour les droits des chômeurs, pour la défense d’un vrai droit à la retraite ou encore pour les droits des femmes ».

Le syndicat demande que « les travailleurs licenciés puissent bénéficier d’un soutien financier supplémentaire leur permettant de toucher, par exemple, en plus de leurs indemnités de chômage un salaire complet jusqu’à leur retraite ou bien jusqu’à leur retour en emploi ». Mais le courrier reste sans réponse.

« Depuis le début de cette affaire, nous ne rencontrons que le silence, souligne Virginie Duval. Pour nous, il n’est pas concevable d’être un acteur du mouvement social et d’agir comme cela. Sans réponse au premier courrier, nous en avons envoyé un second aux députés, aux sénateurs et aux députés européens communistes. Sans obtenir plus de retour. »

La syndicaliste et Sylvie se sont aussi rendues à la Fête de l’Huma, le week-end du 14 septembre, mais les deux femmes n’ont pas réussi à capter l’intérêt des militants ou des sympathisants communistes. Elles soulignent que l’argent dépensé pour l’université d’été du parti, du 24 au 26 août à Angers, aurait pu être consacré à aider les salariés licenciés. « Durant l’été 2017, c’est EELV qui avait procédé à des licenciements collectifs. Le PCF et les Verts paraissent gérer leur parti comme une entreprise, c’est problématique », déplore Virginie Duval.

L’ancienne salariée estime pour sa part que le Parti communiste aurait dû veiller, comme le préconise le code du travail, à ne pas licencier en premier les salariés les plus anciens ou ayant charge de famille. L’administrateur du siège assure que cette règle ne s’applique pas lorsque tous les postes d’une même catégorie sont supprimés.

À notre connaissance, le seul élu à avoir questionné la procédure est Emmanuel Dang-Tran, figure de la fédération parisienne, communiste orthodoxe, opposé à la stratégie du Front de gauche et figure déclarée de l’opposition à la direction actuelle. Membre du conseil national, le « parlement » du parti, il y est intervenu à ce sujet le 5 septembre. « J’ai fait remarquer qu’il n’est pas admissible que des camarades soient licenciés sans possibilité de reclassement ou d’aide financière leur permettant d’aller jusqu’à la retraite, confirme-t-il. Il est particulièrement malvenu que le parti puisse apparaître comme un mauvais patron. Financièrement parlant, le PCF a encore largement les moyens d’arranger les choses. »

Pour Sylvie, la preuve qu’il reste de l’argent est que des embauches ont eu lieu récemment. Elle en dénombre cinq en 2017 et 2018, dont un remplacement de poste et quatre créations, contre huit départs et un décès depuis 2016. « On peut être amenés à faire des recrutements, mais pas sur les catégories de personnel qui ont été supprimées », répond Jean-Louis Frostin. « Sur les catégories de postes concernées, aucune embauche n’a été faite, ni avant, ni après ces licenciements », confirment les élus du personnel.

Selon nos informations, parmi les nouveaux salariés figure Christian Picquet, devenu salarié du siège peu de temps avant les quatre licenciements. Âgé de 66 ans, l’homme est une ancienne figure de la LCR, favorable à l’union des gauches, membre du PCF depuis 2015 et candidat du parti aux législatives en 2017. Il est membre du conseil exécutif national, l’organe de direction du parti, comptant 36 membres. Ni lui, ni l’administrateur du siège n’ont souhaité confirmer cette information.

Sylvie, elle, est résolue à se faire entendre. « Je vais engager une démarche aux prud’hommes. Je suis militante, j’agis comme je l’aurais fait pour n’importe quel autre salarié que j’aurais pu accompagner, dit-elle. C’est simplement plus douloureux. »