Crise économique et politique au Brésil : mais pas de l’Etat. Analyse théorique de Mauro Luis Iasi du Parti communiste brésilien

Repris de Solidarité internationale PCF, article d’août 2015, repris le 11 décembre 2015

Une du journal de novembre du PCB

La crise politique s’aggrave au Brésil. La procédure de destitution de la présidente, Dilma Rousseff, a été engagée le 3 décembre, puis suspendue. Les scandales de corruption éclatent et éclaboussent largement d’abord les partis de centre « gauche » au pouvoir. Cela correspond à un blocage, à la crise persistante de l’économie « émergente ». Les protestations sociales sont nombreuses. La droite arrive parfois à les canaliser. Le chercheur marxiste, Mauro Iasi, analyse cette situation et dresse le constat de l’absence actuelle de perspective révolutionnaire, faute de crise de l’Etat. Sa réflexion théorique nous semble intéressante au-delà même du cas brésilien. Iasi est membre du Parti communiste brésilien PCB (et non du Parti communiste du Brésil, PCdoB, d’origine maoïste, allié au Parti des Travailleurs de Dilma Rousseff).

Brésil : Trois crises … mais une fait défaut. – Article théorique de Mauro Iasi

Par Mauro Luis Iasi, du Centre d’études et de recherches marxistes, membre du Comité central du Parti communiste brésilien, 13 août 2015, traduction MlJ pour Solidarité internationale PCF

Dans le contexte brésilien s’entrelacent deux crises: une crise économique et une crise politique. Il y en a une autre, celle qui souvent est décisive et marque les moments de rupture historique: une crise de l’Etat.

Directement ou indirectement, toutes les crises dans une société capitaliste sont liées à une crise économique, mais les liens entre les dimensions politiques et économiques de la crise ne sont pas toujours clairs. Comme nous le savons, la crise est inhérente au processus d’accumulation, mais il y a des moments où cette crise devient plus visible et où le paradoxe de suraccumulation explose en brûlant du capital, en détruisant des forces productives, avec tous les effets que nous connaissons sur les travailleurs. Ensuite la crise politique dépend de la coexistence de factions de la classe dirigeante et des accords politiques entre elles pour former un bloc dominant, ainsi que, dans une large mesure, de la forme politique établie historiquement et au sein de laquelle cette coexistence est devenue possible.

Cependant, la crise de l’Etat est quelque chose de plus profond. Elle est le signe que la contradiction est allée au-delà des limites que l’ordre bourgeois peut contenir, l’émergence de la lutte des classes ne menaçant pas seulement l’un ou l’autre segment de la classe dirigeante mais l’ordre bourgeois lui-même. C’est une crise qui, bien qu’elle se manifeste dans une conjoncture donnée, marquée par le gouvernement d’une ou l’autre faction du bloc dirigeant, est, dans le même temps, une crise de l’Etat bourgeois.

LA CRISE ECONOMIQUE

La grande illusion de la dernière période cyclique a été la croyance dans le mythe du développement capitaliste « soutenable » – comme si on pouvait éviter la crise par la gestion de l’investissement, du contrôle fiscal et monétaire, de la consommation, des dépenses publiques et de tous les autres éléments de la soi-disant « macroéconomie ». Comme Mészáros [philosophe marxiste hongrois, assistant de Lukacks. NdT] nous a avertis il y a longtemps, ceci est une vaine tentative pour contrôler un « métabolisme social incontrôlable ».

La soi-disant « soutenabilité » du capitalisme signifie, en un mot, un équilibre entre la demande croissante tirée par la consommation et une augmentation croissante de la production qui à son tour génère plus d’emplois et, en conséquence, plus de consommation et ainsi de suite. Il suffirait que l’Etat garantisse aux investisseurs capitalistes de bonnes conditions pour assurer une croissance de l’économie, une augmentation des revenus, et un surcroît de ressources pour l’investissement public – que ce soit dans les infrastructures, pour renforcer la continuité du cycle économique vertueux, ou pour des politiques compensatoires en vue de réduire les effets les plus visibles de la pauvreté absolue.

La racine de la crise actuelle est la preuve du caractère incontrôlable du capital. Le capital accumule inégalement les composants qui le constituent, devenant proportionnellement davantage du capital constant (machines, technologie, installations, etc.) que du capital variable (travail), générant ce que Marx appelait la tendance à la baisse du taux de profit.

Dans cette approche, ce qui conduit à la crise n’est pas le défaut des conditions pour la croissance de l’accumulation, mais la croissance elle-même parce qu’elle génère une suraccumulation qui rend impossible au capital le retour au cycle de sa reproduction avec des profits acceptables.

Il revient à l’Etat bourgeois, comme acteur principal, de prendre les mesures nécessaires pour activer en pratique les contre-tendances à la baisse du taux de profit et gérer la crise cyclique et périodique inévitable. L’auteur du Capital a listé six contre-tendances. Remarquez comment nous pouvons clairement les identifier dans l’action économique cyclique des gouvernements bourgeois:

- Exploitation intensifiée des travailleurs;
- Réduction des salaires;
- Augmentation de la surpopulation relative (exproprier beaucoup plus que ce qui est utilisé par le capital dans sa sphère productive);
- Réduction des coûts du capital constant (subventions, nouveaux matériels, infrastructures, etc.);
- Expansion des marchés, ou bien pour écouler la surproduction de marchandises, ou bien pour trouver de nouvelles sources de matières premières ou des machines, etc., ou, dans la phase actuelle du capitalisme, pour exporter du capital;
- Autonomisation de la sphère bancaire en vue de compenser, par les intérêts versés sur les obligations d’État ou d’autres formes, la baisse du taux de profit.

Ces mesures, qui démontrent le caractère essentiel de l’État dans le fonctionnement de l’économie capitaliste – démontant le présupposé libéral – n’empêchent ni la crise, ni la baisse tendancielle du taux de profit, mais imposent au mouvement de l’économie son caractère cyclique, avec des moments de croissance de l’accumulation, de pic, de crise, de récession, et ainsi de suite.

Ce que nous voyons aujourd’hui est un moment où on paye le prix de la croissance capitaliste décrite auparavant comme vertueuse. Selon le Bulletin de surveillance de la conjoncture (www.criticadaeconomia.com.br):

«Comparé au même mois de l’an dernier, la production industrielle a chuté de 3,2%, l’indice mensuel de juin 2015 étant le 16ème négatif d’affilée. En mesure semestrielle, l’ensemble de l’industrie a reculé de 6,3% au cours des six premiers mois de 2015, le repli le plus élevé depuis le premier semestre 2009 (-13,0%) au sommet de la dernière crise mondiale de 2008/2009. Encore plus alarmants sont les chiffres de l’effondrement des grands secteurs industriels. Ils ont déjà désactivé une grande partie de la production de biens d’équipement (machines, installations). Celle-ci a continué à baisser, de -11,2% dans la seconde moitié de l’année dernière à -20,0% dans les six premiers mois de 2015. Le secteur stratégique des biens de consommation durables est un autre exemple, que traduit également la baisse de la demande de métaux, avec une baisse passant de -10,1% dans la seconde moitié de 2014 à -14,6% dans les six premiers mois de cette année « .

Au désespoir du gouvernement, dans la période, les mécanismes qui fonctionnaient auparavant pour encourager l’investissement et la croissance économique, paraissent maintenant faire plonger l’économie.

DE LA CRISE ÉCONOMIQUE À LA CRISE POLITIQUE

Dans ce contexte de crise de suraccumulation et de nécessité de brûler du capital, l’irrationalité de la rationalité capitaliste se révèle. Le soi-disant « ajustement » mis en œuvre par le gouvernement Dilma [Dilma Rousseff, présidente, NdT] dont Levy est l’artisan officiel [Joaquim Levy, ministre des finances, NdT] (dire que l’on est pour Dilma et contre Levy revient à dire que l’on est pour les Rolling Stones mais sans Mick Jagger) répond aux intérêts du capital mais heurte les intérêts des capitalistes. Explications : s’exprime ici, une fois de plus, la vieille contradiction propre à la société bourgeoise entre l’intérêt général et les intérêts particuliers.

Le capital a besoin de brûler des forces productives, de réduire la production et la consommation, de dévaster les marchés, détruisant le pouvoir d’achat de la monnaie, d’écraser les salaires et de licencier en masse pour recréer les conditions favorables à la reprise des investissements avec des taux acceptables de profit. Cependant, si tout le monde s’accordent sur le remède, on ne peut pas attendre de chaque capitaliste en particulier qu’il soit prêt à se sacrifier pour le bien commun de l’accumulation en brûlant ses propres forces productives et en détruisant sa propre capacité de production.

Comme l’a expliqué Mandel, suivant les pistes de Marx, voilà exactement pourquoi le déclenchement de la crise est catastrophique parce que, paradoxalement, au moment qui précède, les capitalistes au lieu de ralentir, intensifient la production.

Sans d’autres interventions, une crise de cette nature mettrait en péril l’ordre du capital, comme cela est arrivé au début du XXe siècle avec les deux guerres mondiales et dans leur contexte, le déclenchement de la révolution socialiste en Russie, en Chine et ensuite dans d’autres parties du globe. Il revient à l’État à nouveau de garantir l’ordre bourgeois. Il est fondamental de transformer la crise de l’économie capitaliste en une crise de toute la société, exigeant des sacrifices partagés pour revenir à une croissance mythique qui profitera à tous.

Cependant, les différentes factions qui composent le bloc du pouvoir (dans ce moment historique, les secteurs qui composent le grand capital monopoliste), comme il est naturel de le supposer, ne s’entendent pas toujours sur la façon de gérer la crise, cherchant, selon leur proximité avec le gouvernement, à exempter leurs industries, à assurer leurs investissements et, si possible, à écraser leurs concurrents. Le seul consensus dans le bloc au pouvoir est de faire retomber le plus grand poids de la crise sur la classe ouvrière, mais même là, il y a des problèmes, parce que la survie politique de l’une ou l’autre des factions bourgeoises suppose qu’elle ne soit pas identifiée aux mesures draconiennes imposées contre toute la population pour sauver le capital.

À l’heure actuelle, la conjoncture politique peut devenir confuse pour un observateur non averti à cause des conflits internes à la bourgeoisie monopoliste et à ses expressions politiques, des luttes entre fractions profitant de la crise pour régler des comptes contre l’arrangement antérieur des forces politiques, pour occuper une place centrale dans l’administration de l’Etat bourgeois et son gouvernement.

Les signes extérieurs apparaissent renversés. Historiquement, nous avons assisté sur notre continent à la lutte entre conservateurs et libéraux. Mais les libéraux au gouvernement agissent comme les conservateurs et les conservateurs dans l’opposition se présentent comme des libéraux. Ils mettent le fardeau de la crise à la charge du bloc politique au gouvernement pour mieux prendre sa place et bénéficier du retour du cycle de croissance des taux de profit obtenu grâce au massacre des salaires et de l’emploi, à la destruction des forces productives et de la capacité de consommation.

Le PT [Parti des travailleurs de Rousseff et Lulla, NdT] a bénéficié de ce cycle, du discrédit de la coalition PSDB/DEM/PMDB à cause de la crise. Il a accédé au statut de parti de gouvernement, construit un nouveau bloc d’alliances pour un nouveau gouvernement PT / PC do B / PSB … et, bien sûr, PMDB [Le PCdoB, Parti communiste du Brésil, d’origine maoïste n’est pas à confondre avec le PCB, NdT]. Maintenant, avec l’émergence d’une nouvelle crise et ses conséquences, l’opposition tente de renverser le jeu, attirant le PMDB pour former un nouveau bloc pour une alternance pour assurer la bonne continuité de l’accumulation du capital et de ses cycles.

Le fait est que, dans ce contexte, la crise économique s’exprime également par une crise politique qui peut aboutir à un changement de coalition au pouvoir au gouvernement. De la même façon, les différents segments du grand capital monopolistique (industriel, agricole, financier, exportateur, commerçant, etc.) qui se sont accommodés du bloc au pouvoir sont maintenant à la recherche d’une alternative. En fait, ils misent sur les deux tableaux et soutiendront celui qui gagnera le concours.

Quelque chose d’important manque dans ce scénario et cette absence est cruciale pour les travailleurs, actuellement dans l’impasse politique. La transformation du PT et son choix d’un gouvernement de collaboration de classe ont désarmé de la classe ouvrière avant un scénario prévisible d’intensification de la lutte des classes. La position en retrait et défensive d’un « réformisme de faible intensité», comme le dit Andrew Singer (je crois que ça n’a jamais même été ça), a placé le cœur du gouvernement sous la dépendance économique du mythe de la croissance « soutenable » et en a fait politiquement l’otage de l’alliance avec PMDB.

L’engagement zélé à mettre en œuvre l’ajustement « nécessaire » pour assurer la continuité de l’accumulation capitaliste, posé comme condition préalable au bon développement du programme de gouvernement du PT, a fourni au bloc d’opposition l’ingrédient dont il a besoin: un gouvernement qui se présente comme « de gauche » opère lui-même un ajustement brutal contre les travailleurs pour sauver les profits des grands monopoles.

La crise crée ainsi deux dividendes pour le bloc de l’opposition conservatrice. La situation économique, la baisse de la consommation avec la dette, le chômage, l’inflation et l’érosion des salaires, le démantèlement des politiques publiques et semi-publiques d’aide aux pauvres pour accès à certains biens et services essentiels (tels que l’éducation et la santé), tout cela génère un climat étayant la thèse du manque de contrôle, couronnée par des accusations de corruption. Un scénario dans lequel une opération politique (pas au sommet du pouvoir pour le moment, mais à sa base sociale) devient possible: éloignant certains segments intermédiaires du gouvernement et les gagnant à l’opposition.

Le second dividende est pour nous le plus grave et le plus dangereux. C’est l’engagement du gouvernement pour sauver le capital en attaquant les travailleurs: s’éloignant de sa propre base sociale issue de la gauche et la plaçant sous l’influence du discours politique de droite. Une manipulation efficace identifiant le « pétisme » [de PT] avec le « communisme », permet au bloc d’opposition d’attaquer la coalition actuellement au gouvernement de l’Etat bourgeois, non pour ce qu’elle fait réellement (parce que dans ce domaine il y a accord sur les volontés de l’ordre bourgeois) mais sur des préjugés contre la gauche.

Le moralisme de la croisade contre la corruption sert ainsi autant à obtenir un soutien de la classe moyenne qu’à attaquer les bases de la classe ouvrière en offrant l’explication de la corruption comme écran de fumée pour cacher la dynamique de l’exploitation capitaliste.

LA CRISE MANQUANTE

Malgré le caractère dramatique de la crise (en partie gonflé par l’intérêt de l’opposition conservatrice), l’ordre est garanti pour l’heure. Soit par le bloc qui tente de se maintenir au pouvoir, soit par l’alternance possible avec une coalition des forces bourgeoises les plus conservatrices.

Cela montre que l’Etat bourgeois n’a pas été touché par la crise, ou, en d’autres termes, que la crise politique se limite à un affrontement sur les conditions et la forme de l’ordre bourgeois.

La classe ouvrière, vaincue et divisée, réagit comme elle peut. Elle refuse les garanties données aux entreprises contre les travailleurs, fait grève (souvent), cherche à maintenir en vie les mouvements sociaux qui luttent pour leurs revendications spécifiques (la terre, la défense de la santé publique, la défense de l’université publique et de l’éducation, contre les expropriations en ville, contre les violences policières, etc.). Cependant, ce n’est pas une expression politique susceptible de transformer la crise politique en crise de l’Etat bourgeois.

Il est commun d’accuser la gauche et son incapacité chronique à s’unir. Mais ceci est une autre perversité de la crise actuelle. Le gros problème de l’unité à gauche (une nécessité urgente) est qu’une partie considérable est empêtrée dans le paradoxe qui alimente la crise politique de la classe ouvrière. Ce paradoxe est la nécessité pour ces segments de la gauche de récupérer le soutien de leurs bases sociales (et c’est une bonne nouvelle parce qu’ils critiquent la ligne générale de la politique économique et les attaques contre les travailleurs) tout en soutenant le gouvernement qui a décidé d’attaquer les travailleurs pour préserver une politique de droite.

Le paradoxe de ce gouvernement est qu’il a besoin de mobiliser pour se défendre des catégories qui sont brutalement touchées par sa politique. Il réclame le soutien des travailleurs, mais impose un jour de réduction de salaire, des réductions de salaires et d’avantages aux fonctionnaires, et les traite comme des ennemis lors d’une grève dans laquelle ils voulaient simplement retrouver les acquis et des droits perdus. Il réclame le soutien des professeurs d’université mais démantèle l’université publique tout en transférant des milliers de réaux vers les universités privées. Il réclame le soutien de ceux qui luttent pour la terre mais dirigent des milliards de dollars vers l’agro-industrie et enterre la réforme agraire.

Une véritable unification de ces parties de la classe ouvrière, son entrée en scène, déterminée à défendre ses propres exigences, reconfigurerait les blocs politiques et mettrait au premier plan la lutte des classes entre les intérêts des travailleurs et ceux des classes dirigeantes (il semble que vont dans cette direction les restes de la gauche au sein du PT et une partie importante des mouvements sociaux). Cela déclencherait une crise de l’Etat et mettrait en danger l’ordre bourgeois, mettant la perspective de rupture au premier plan, enterrant à la fois les possibilités de recomposition de la coalition gouvernementale actuelle avec des forces du système et la possibilité d’une continuité avec une victoire électorale en 2018.

Nous ne pensons pas que le noyau dirigeant du PT a quelque intérêt à aller dans cette direction. Il parie sur une reprise de l’économie pour normaliser les choses, ramener le PMBD dans le giron gouvernemental, estimant que, dans ce scénario, le vieux chantage au risque (réel, substantiel et aujourd’hui très probable) de l’arrivée au pouvoir d’une coalition plus conservatrice est le passeport pour la continuité du cycle PT. La gauche réformiste du PT et les mouvements sociaux n’ont pas la force de renverser cette tendance au sein du PT et ne peuvent pas l’abandonner. La gauche révolutionnaire résiste aux côtés des travailleurs, mais est loin, même unie, de représenter une alternative politique à court terme. Là est le paradoxe.

Parfois, les analyses politiques conduisent beaucoup à croire que ce qui manque c’est la volonté politique, qu’avec une bonne réunion et une volonté de dialogue, tout serait résolu. Malheureusement, il n’en est pas ainsi. Ce qui manque est une sortie de la crise économique qui déborde les frontières de la crise politique et se transforme en une crise de l’Etat bourgeois.* Ceci est la bonne (et la mauvaise) nouvelle … Il se pourrait qu’elle ne fasse plus défaut bien longtemps.

* « A vrai dire, ces hésitations, ces incertitudes mêmes sont un symptôme de la crise de la société bourgeoise. Le prolétariat, en tant que produit du capitalisme, est nécessairement soumis aux formes d’existence de son producteur. Ces formes d’existence, ce sont l’inhumanité, la réification. Le prolétariat est bien, par sa seule existence, la critique, la négation de ces formes d’existence. Mais jusqu’à ce que la crise objective du capitalisme soit achevée, jusqu’à ce que le prolétariat lui-même soit parvenu à dévoiler complètement cette crise, ayant atteint la vraie conscience de classe, il est la simple critique de la réification et, en tant que tel, il ne s’élève que négativement au-dessus de ce qu’il nie. Quand la critique ne dépasse pas la simple négation d’une partie, quand, au moins, elle ne tend pas vers la totalité, elle ne peut pas dépasser ce qu’elle nie, comme le montre, par exemple, le caractère petit-bourgeois de la plupart des syndicalistes. » (György Lukács : Histoire et conscience de classe, 1922)

Mauro Iasi est professeur adjoint à l’École de service social de l’UFRJ, chercheur au NEPEM (Centre d’études et de recherches marxistes) et membre du Comité central du PCB.