CN du PCF des 25 et 26 mai 2013 – Intervention d’E. Dang Tran (75)

Cela n’aurait aucun sens de discuter au Conseil national de la préparation des élections municipales en dehors de la définition d’une perspective communiste de rupture avec la politique  poursuivie par Hollande et le PS au pouvoir.

Je suis bien incapable de me prononcer sur la situation de chaque ville. Tous les cas de figure existent. On peut participer à un exécutif dirigé par le PS sur la base d’une position de lutte et d’un rapport de force, comme on peut y être réduit à une simple caution de « gauche ». La radicalité de façade, jouée notamment par les PG, risque de s’avérer non seulement stérile mais négative pour les populations. D’où l’importance de positions nationales claires du PCF, alors que la construction électoraliste du Front de gauche éclate manifestement avant les municipales.

Je suis très étonné de n’entendre aujourd’hui quasiment rien sur la manifestation du 5 mai à la Bastille et ses suites. Globalement, et ici-même, les directions du PCF n’étaient guère enthousiastes devant l’opération personnelle de Mélenchon qu’elles ont jugé inévitable de suivre… Le Parti a fortement mobilisé. Il a amené l’essentiel des participants, notamment de province. Il s’agissait de « ne pas se faire voler le Front de gauche ». Pour beaucoup de manifestants, cela a correspondu aussi à une recherche d’issue politique.

Qu’en ressort-il ?

D’abord, comme cela était prévisible, Mélenchon est plus que jamais le porte-parole du Front de gauche et ses postures outrancières continuent de dangereusement alimenter l’abaissement du débat politique.

Et en termes de perspective politique ? Quel contraste ! Quel fossé béant entre l’affichage et la réalité, entre le « changement de régime » avec la fumeuse « 6ème république » et la perspective immédiate !

L’an dernier, ceux qui avaient cru retrouver leur recherche d’alternative politique dans les sondages pour Mélenchon, à défaut d’autre choix, ont vu leurs espoirs douchés par sa prise de position le soir du 1er tour des présidentielles. A 20h04, sans prendre évidemment la peine de consulter le PCF, c’était « voter pour Hollande comme pour moi-même, sans conditions ».

Cette année, c’est : « préparons un nouveau gouvernement » avec, sinon Mélenchon lui-même, du moins Montebourg, le ministre de la privatisation et de la casse industrielle, comme premier ministre. Dans son discours à la Bastille, Mélenchon n’a eu aucun mot pour les luttes, sauf une larme récupératrice à propos de « l’amnistie sociale ». La lutte des classes, ce n’est vraiment pas l’affaire de cet homme de réseaux !

Mais, au-delà de son jeu personnel – dont on peut se demander combien de temps il durera  - il reste que cette perspective politicienne est celle de tout le Front de gauche. J’entends ici certains parler encore de « nouveau contrat politique de majorité ». J’entends soigner l’illusion que tel ou tel dirigeant socialiste, vert ou cédétiste sortirait du bois pour porter le «changement », de Mme Lienemann à M. Placé en passant par M. Maurel.

Lors de la rencontre d’avant-hier entre des députés français du Front de gauche et allemands de Die Linke, l’Allemand Thomas Nord estime que les « socialistes français doivent savoir s’ils doivent se comporter comme les sociaux-démocrates allemands ou comme des socialistes ». Il ajoute : « Si après les élections, les socialistes tenaient leurs engagements, je n’aurais aucun mal à les appeler socialistes ». La référence comme politique de « gauche », ce serait donc le programme de Hollande de 2012 ?

Il faut cesser d’afficher une « déception » par rapport à la politique de Hollande et Ayrault. Il n’y avait aucune illusion à se faire ou à semer. Aujourd’hui, il n’y a aucune illusion à entretenir rétrospectivement sinon pour préparer une fiction de relève avec une partie de la social-démocratie.

Le projet de Hollande était bien cadré. Il tient ses promesses principales, celles qu’il a faites au patronat et à l’UE du capital ! Ce n’est pas un hasard s’il loue aujourd’hui l’œuvre de Schroeder. C’est sa feuille de route. Sur les questions économiques et sociales, la « gauche » derrière le PS opère les contre-réformes que la droite ne peut pas entreprendre et vice versa. A la gauche notamment de privatiser les services publics, de casser le financement de la Sécurité sociale, le droit du travail car elle subira moins d’opposition syndicale…  C’est l’alternance telle que nous avions analysée et dénoncée depuis des années.

En deuxième partie de quinquennat, avant les élections, quand le pire sera réalisé, une partie de la gauche va se « gauchir » pour canaliser la protestation. Est-ce dans ce schéma que le PCF doit se placer avec le Front de gauche ?

Résolument non !

La mobilisation victorieuse de novembre/décembre 1995. Toujours un repère.

Je m’étonne que personne n’ai parlé jusqu’à présent de la réforme ferroviaire. Une journée d’action et de grève se dessine le 13 juin. Portons-y fort le rejet de la mise en concurrence, notamment des transports régionaux, le rejet de l’application des directives européennes !

La nouvelle étape du démantèlement du système de retraite est annoncée pour l’automne. Elle se précisera après la « conférence sociale » de juin. Les régimes publics sont cependant déjà ciblés par Hollande. Les luttes sont liées. 1995/2003/2007/2010 : à chaque fois le lien avec la défense des statuts publics, dans l’intérêt de tous, a été décisif. Allons jusqu’au bout du mouvement de 2010 ! Défendons sans concession la cotisation sociale, la fin des exonérations patronales, le retour aux 37,5 annuités et à la retraite à 60 ans.

Je ne reviens pas sur le mouvement amorcé contre « l’ANI ».

Les grévistes de Citroën Aulnay viennent d’arrêter leur mouvement. Les acquis locaux ne sont pas à sous-estimer, pour les grévistes, comme pour l’ensemble des ouvriers. Mais l’usine fermera et le mouvement national envisageable n’a pas eu lieu. Au passage, on notera, comme toujours, les limites étroites de la perspective portée par Lutte ouvrière. Mais pourquoi ne pas avoir, nous, avancé l’exigence de nationalisation du secteur, comme de celui de la sidérurgie, quand l’opinion publique et les travailleurs sont si réceptifs à l’un de nos axes de lutte de toujours?

Nous parlons des municipales. Nous adoptons une résolution critique, à juste titre, sur l’acte III de la décentralisation. Voilà une nouvelle incitation à combattre clairement l’UE, à faire le lien – que font les populations – entre l’Europe du capital et les politiques nationales qui les frappent. Nous pouvons nous appuyer sur le désaveu des Alsaciens, auquel nos camarades ont contribué, au projet de « nouvelle collectivité », directement inscrit dans « l’Europe des régions ».

Contre l’Europe du capital, il y a autre chose à développer que l’opposition verbale de Mélenchon et l’accompagnement réformiste de la CES et du PGE !

Voilà les propositions de ruptures immédiates dans une perspective de rupture qui devraient nous permettre d’aborder les campagnes électorales de 2014 de façon offensive. Sur trois voies possibles, une seule me paraît juste.

Inacceptable m’est la radicalité de façade, gauchiste, de ces PG, transfuges du PS, de Mélenchon. Elle est dangereuse. Elle occupe peut-être un espace vacant, parvient peut-être à fournir une « offre politique » pour canaliser le « peuple de gauche politisé », certains cadres syndicaux. En même temps, fondée sur une perspective réformiste et politicienne, cette radicalité ne contrecarre pas la démobilisation des masses et alimente même (Mélenchon en premier) la démagogie populiste.

La volonté des PG de manipuler, d’attaquer les communistes, de les discréditer, en toute mauvaise foi, au sein même du Front de gauche est patente. Elle participe entièrement de cette stratégie gauchisante autant que foncièrement social-démocrate.

Mais à cela, le PCF ne peut pas paraître opposer une « contestation constructive » du PS ou de l’Europe, une « participation critique » à la majorité, sous peine de subir pleinement ces attaques. Les projets du gouvernement, de l’UE, déjà accompagnés par certains syndicats ne peuvent qu’être combattus sans concession.

La troisième voie me semble ainsi la plus naturelle : c’est celle de l’expression de positions communistes, de campagnes de ruptures immédiates dans un projet de société de rupture anticapitaliste. A défaut d’en finir avec le Front de gauche – ce qui me semble plus que jamais nécessaire pour le rassemblement des travailleurs – on pourrait essayer de le « mettre entre parenthèses » de notre propre initiative. Plutôt que de se laisser marginaliser, diffamer, effacer encore quand tout appelle au renforcement de notre parti.

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